L’édito de M La Scène septembre 2021
« ESSENTIEL »
La 75e édition du Festival d’Avignon et le Festival Off 2021 ont récemment fermé leurs portes : l’occasion de revenir sur ce festival exceptionnel.
« Exceptionnel » ? Le mot n’est-il pas exagéré ? Non. Ce serait oublié l’année précédente. Vide. Morte. Sacrifiée. Celle où les salles de théâtre, de cinéma et même les librairies furent fermées. Celle où, marquée au fer rouge de la bêtise, la culture fut décrétée « non essentielle ». Tandis qu’on ouvrait les lieux de culte, les lieux de culture étaient frappés d’anathème, offerts en expiation aux lâchetés politiques premières.
Exceptionnel, donc, de voir ce festival annulé renaître de ses cendres. Exceptionnel, de le voir fièrement se dresser dans le respect des règles sanitaires. Exceptionnel, de retrouver ces artistes, ces techniciens, ces organisateurs, qui ont continué dans l’ombre, dans des conditions précaires et incertaines, à travailler, répéter, créer. Exceptionnel, de s’asseoir sur des gradins, des chaises ou des bancs et de faire partie, à nouveau, d’une assemblée théâtrale vivante et palpitante. Exceptionnel, de découvrir la diversité et la richesse des propositions. Exceptionnel, enfin, de se réchauffer à la flamme de l’énergie créatrice. Flamme unique, incandescente, et quoique qu’en disent certains, essentielle.
Bien sûr, cette énergie créatrice a été marquée par la pandémie, les différents confinements, l’annulation des représentations prévues, l’impossibilité de jouer et de se produire et la détresse qui a pu en résulter. L’incapacité à exister dans sa plénitude d’artiste a forcément eu des répercussions sur les thématiques abordées. Aussi au cœur des représentations de ce Festival d’Avignon 2021, avons-nous vu de nombreux spectacles qui interrogeaient le rapport à l’autre. Absence (Novecento pianiste), solitude ( Asia ou Life on Mars), désir ou difficulté d’appartenir à une communauté ( Ceux-qui-vont-contre-le-vent), fin d’un monde et espérance d’un nouveau ( La Cerisaie), exaltation des sentiments qui tendent vers l’autre ( Jubiler) ou repli sectaire ( Kingdom), ont irrigué de nombreuses créations pour les interroger artistiquement.
Dans les mises en scène, ce besoin de l’autre, essentiel, qui a tant manqué aux artistes, s’est souvent traduit par une adresse public revendiquée ou radicale (La Dernière nuit du monde).
On s’est réjoui également que cette énergie créatrice ait été portée avec puissance, cette année particulièrement, par des femmes, autrices et metteuse en scène (Penthésilée ou Entre chien et loup. Présence là encore, essentielle qui met à mal tous les a priori qui perdurent dans les esprits étroits.
M La Scène, blog théâtre indépendant et libre, remercie tous les artistes, techniciens, organisateurs, dont le formidable travail a permis au Festival d’Avignon 2021 d’avoir lieu, malgré des conditions encore difficiles et de montrer combien cet événement culturel était « essentiel ».