L’autre Fille

Mise en scène : Marianne Basler, Jean-Philippe Puymartin

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Au théâtre Avignon-Reine Blanche, dans L’autre fille, Marianne Basler se saisit du texte magnifique d’Annie Ernaux et livre une partition sensible et intense. 


Écouter l’interview audio de Marianne Basler réalisée par M La Scène


L’Absence en héritage

Être l’enfant unique. Découvrir à dix ans, au hasard d’une conversation, qu’il y a eu un autre enfant. Une petite fille. Morte, deux ans avant sa naissance, emportée par la diphtérie, à l’âge de six ans. Et entendre sa mère dire : “Elle était plus gentille que celle-là”  . Celle-là , c’est Annie Ernaux. Cette phrase, saisie par hasard, marque à jamais l’enfant et la femme qu’elle deviendra. L’autre fille, c’est elle.  Celle qui n’a été conçue que parce que la précédente était morte. Celle qui ne pourra jamais être la « gentille » , l’enfant d’avant la guerre, l’enfant d’avant le malheur, la quasi sainte.

Par le texte, L’autre fille, la vivante, s’acquitte d’une dette. Le récit, par l’écriture, témoigne de l’existence de la disparue, la fait revivre pour « être quitte » de la vie que sa mort a permis. Cette lettre que l’écrivaine adresse à sa sœur décédée interroge au plus profond l’héritage de l’absence. « Est-ce que je t’écris pour te ressusciter ou pour te tuer à nouveau ? »  Est-il possible d’échapper à l’ombre qui n’a cessé d’être présente ? « Il m’a fallu presque trente ans et l’écriture de La Place pour que je rapproche ces deux faits, qui demeuraient dans mon esprit écartés l’un de l’autre — ta mort et la nécessité économique d’avoir un seul enfant — et pour que la réalité fulgure : je suis venue au monde parce que tu es morte et je t’ai remplacée. »

Une interprétation lumineuse

Marianne Basler s’empare de la musique unique d’Annie Ernaux et livre une partition sensible et intense. Le texte a toujours « intrigué » la comédienne. « Peut-être, dit-elle, car le sujet est très ténu » . Au thème de l’enfant mort avant sa naissance, vient se greffer une autre histoire. Les deux petites filles ont été frappées d’une maladie mortelle. La diphtérie a emporté la première, mais le tétanos a épargné la seconde. « Pourquoi l’une survit et pas l’autre. C’est une question qu’on peut se poser » , indique Marianne Basler. « Dans une fratrie, il y en a un parfois qui disparait, l’autre qui reste. Pourquoi ? Pourquoi, l’autre pas ?  » Ces questions taraudent la comédienne depuis qu’elle joue le texte d’Annie Ernaux.

Chaque mot semble avoir été pesé pour en délivrer la juste mesure. Derrière un large bureau, éclairée d’un chaud clair obscur, Marianne Basler distille les mots de l’écrivaine en les accompagnant avec retenue et délicatesse. La sobriété de mise en scène, que la comédienne a co-réalisée avec Jean-Philippe Puymartin, éclaire avec acuité et douceur cette méditation sur la mémoire et la perte.


Au Théâtre Avignon-Reine Blanche, dans L’autre fille, Marianne Basler se saisit du texte magnifique d’Annie Ernaux où l’intime rejoint l’universel. Son interprétation lumineuse bouleverse.

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L’autre fille

AVIGNON-REINE BLANCHE

 

du 7 au 23 juillet – Relâches : 12, 19 juillet

à 11h00

D’après Annie Ernaux

  • Mise en scène : Marianne Basler, Jean-Philippe Puymartin
  • Interprète(s) : Marianne Basler
  • Lumières : Franck Thévenon
  • Musique : Vincent-Marie Bouvot
  • Collaboratrice artistique : Elodie Menan

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