Critique Des caravelles et des batailles

Mise en scène Éléna Doratiotto Benoît Piret

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Librement inspirés par le roman iconique La Montagne magique de Thomas Mann, Eléna Doratiotto et Benoît Piret proposent Des Caravelles et des batailles, un voyage insolite à la poésie espiègle. (Découvrir l’interview d’Eléna Doratiotto et de Benoit Piret au théâtre de la Bastille, devant les caméras de M La Scène).

Critiques des caravelles et des batailles

La magique légèreté de la montagne

En 1924, Thomas Mann écrit La Montagne magique qui devient une oeuvre phare de la littérature allemande. Hans Castorp,  « un frêle enfant de la vie »  rend visite à son cousin qui suit une cure dans un sanatorium, en Suisse. Son séjour qui ne devait durer que trois semaines se prolongera sept ans. L’atmosphère du Berghof, les relations étranges « des gens de là-haut » et « l’éternel présent »  du lieu le happent. Seul le début de la Grande Guerre l’incite à descendre de la montagne « magique »  et à participer à la bataille que se livrent ceux d’en bas. Au terme de son séjour initiatique, le héros aura compris que le temps donne sa matière à la vie et qu’il est « un don des dieux, accordé à l’homme afin qu’il en tire parti […] au service du progrès de l’humanité ».

Des caravelles et des batailles d’Éléna Doratiotto et Benoît Piret donne à voir cette étrangeté teintée de fantaisie où le temps paraît n’avoir plus de prise avec le réel.

Au début, ils sont trois. Deux femmes et un homme discutent à voix basse pendant que les spectateurs s’assoient. Chacun d’eux tient un objet. Un registre, un tissu, une table à roulettes repliée. Quand le silence se fait dans la salle, les trois personnages se regroupent et scrutent une hypothétique arrivée.

L’inabouti marque les premiers échanges et provoque déjà le rire. « Ah ! je…, Ah! oui… Ah! si… »  Ils s’apprêtent à repartir. « C’est dommage –disent-ils– depuis le temps qu’on attend ! »  . Lorsque l’un d’entre eux lance : « Il y a quelqu’un ! » Chacun alors accomplit le rituel répété et tant espéré. Ils déplient la petite table, dressent la nappe sur laquelle ils placent quatre verres, en se tenant bien droits pour accueillir le nouveau membre. Membre de quoi ? Rien n’est plus flou. Même eux ne peuvent le nommer. « On fait partie du … » disent-ils pour se présenter.

Solliciter l’imaginaire 

Le décor est minimaliste. Un sol blanc et des rideaux sombres ferment la boite noire. En son centre, légèrement décalée à cour, une structure en bois s’élève vers les cintres. Les poutres qui la composent  s’affinent vers le sommet évoquant le tronc d’une futaie, la flèche d’une montage boisée, voire la charpente du lieu où vivent les personnages. La scénographie imaginée par Valentin Périlleux est une invitation à solliciter notre imaginaire.

Lors de ce voyage dans ce lieu hors du monde, plongé dans un espace-temps indécis, il faut emprunter des caravelles et se laisser porter par la voix pour interpréter des batailles. Car, de façon étonnante, dans cet endroit où la bienveillance règne, de gigantesques tableaux retracent une des batailles les plus sanglantes liées à la conquête espagnole du Nouveau Monde. Celle de Cajamarca, en 1532, qui vit le massacre de trente-mille incas par 168 soldats hispaniques menés par Pizarro. Mais il s’agit d’un polyptyque fantôme. Les toiles qui décrivent la chute de l’empereur Atahualpa n’existent pour nous et pour Andréas (Jules Puibaraud), le nouveau venu, que parce qu’elles sont racontées en détail par l’un des membres de la communauté (Benoît Piret).

Dans ce lieu où rien ne paraît se passer, chaque événement de la journée est plein de l’attention qui lui est donné.  S’asseoir ensemble, écouter une musique sur un lecteur CD portable, imaginer la scène qu’elle pourrait évoquer, s’initier au tir à l’arc, s’envelopper dans une couverture pour regarder les étoiles, écrire et prononcer un discours pour recevoir son prix Nobel de Littérature, chaque action accomplie, en absence de l’agitation du monde, devient un moment unique marqué par la légèreté et la fantaisie.


Des caravelles et des batailles, mis en scène par Éléna Doratiotto et Benoît Piret, se distingue par un univers vraiment particulier, celui d’un conte réaliste « fait de l’étoffe des songes » , qui embarque pour un voyage primesautier attachant.

Les LM de M La Scène : LMMMMM


Des caravelles et des batailles

du 3 au 21 avril 2023

Théâtre de la Bastille 

Mise en scène Éléna Doratiotto Benoît Piret

Avec Salim Djaferi Éléna Doratiotto Gaëtan Lejeune Benoît Piret Jules Puibaraud Anne-Sophie Sterck Écriture Éléna Doratiotto Benoît Piret

Collaboration à l’écriture et à la dramaturgie Salim Djaferi Gaëtan Lejeune Jules Puibaraud Anne-Sophie Sterck

Collaboration à la mise en scène et à la dramaturgie Nicole Stankiewicz

Scénographie Valentin Périlleux

Regard scénographique et costumes Marie Szernovicz

Création lumière et régie générale Philippe Orivel


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