L MMM Suzy Storck

Mise en scène Jean-Pierre Baro

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Spectacle coup de poing en anglais, Suzy Storck mis en scène par Jean-Pierre Baro propulse la figure d’une femme « ordinaire » du côté de la légendaire Médée. 

L’horloge de la tragédie

A l’origine de ce spectacle, il y a un texte. Celui de Magali Mougel. Auteur et dramaturge, formée à l’ENSATT, Magali Mougel parvient, dans chacune de ses collaborations avec des structures artistiques et culturelles, à interroger le réel. Même lorsqu’il s’agit de commandes en direction du jeune public, le propos n’est jamais affadi. Crée à Londres en novembre 2017 pour répondre à une invitation du Gate Theatre, Suzy Storck de Magali Mougel, traduit par Chris Campbell, a été monté par Jean-Pierre Baro avec des comédiens britanniques.

Suzy Storck met en scène une femme petit à petit vidée de sa substance. Contrainte d’obéir à un ordre social oppressant, devoir conjugal, grossesse, allaitement au détriment de ses souffrances, abandon de tout désir personnel, cette mère au foyer anglaise se réfugie dans l’alcool dans une vaine tentative d’oublier son malheur. Le cœur de Suzy est une horloge qui avance inexorablement vers la tragédie.

Suzy Storck
Suzy Storck (c)M la Scène

Médée, ma SŒUR

La scénographie (Cécile Trémolières) participe pleinement à la fatalité annoncée. Le spectateur entre dans la cuisine de Suzy Storck et de sa famille.  Il avance en évitant la multitude des jouets d’enfants qui jonchent le sol. Suzy est déjà là. Prisonnière. Assise devant sa table blanche, enfermée en elle-même, tandis qu’une vague chanson sort d’un transistor, elle contemple ce qui semble être son dérisoire horizon : trois cadavres de bouteilles de vin. Image programmatique de l’inéluctable ? Dans son dos, l’unique ouverture, mais qui ne s’ouvrira jamais, diffuse une lumière chaude et mystérieuse. Celle d’un ailleurs mythique qui renvoie à la divine ascendance de cette Médée moderne dont on a rogné les ailes.

Le dispositif quadri-frontal encercle l’héroïne et plonge le spectateur au cœur de l’action. La tension est si forte, la blessure et l’abattement de Suzy Stork si prégnants que lorsque la jeune femme (Laura Rogers, exceptionnelle) demande du bout des lèvres de l’aide, la salle, spontanément, dans un silence alourdi de profonde compassion, range pour elle les jouets épars qui sont autant de pierres qui pèsent sur ses épaules.

La mise en scène de Jean-Pierre Baro sait rendre palpable l’aliénation du personnage et la monstruosité de ceux qui l’oppriment. Comme chez Euripide, cette mère infanticide paraît dédouanée de son crime et disparaît sous nos yeux dans un châtiment qui est à imaginer. Soutenus par des acteurs anglais saisissants de justesse et d’intensité, Suzy Storck est une réussite. Forceful !

http://www.theatre-sartrouville.com/

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