Critique Entre ses mains

Mise en scène Julie Guichard

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Critique entre ses mains

Dans le cadre de la 15e édition de « Impatience » , le festival du théâtre émergent, la Compagnie Le Grand nulle part, présente « Entre ses mains » . La mise en scène inventive de Julie Guichard et l’interprétation vitaminée des cinq comédiens offre une plongée dynamique et sensible dans le quotidien d’un service d’urgence à l’hôpital.

De l’humain avant toute chose

Le titre Entre ses mains est triplement porteur de sens. Le projet de la Compagnie Le Grand Nulle part était de recueillir la parole des soignants de l’hôpital public et de la porter sur scène. S’il est bien un lieu où l’on se remet entre les mains de quelqu’un, c’est le service d’urgence. La patient livre parfois sa vie entre les mains des soignants. Comment comprendre alors que la violence prime parfois sur une confiance qui devrait être sans faille ?

La logique économique institutionnalisée depuis une vingtaine d’années vient mettre à mal l’humanité du lien. Car, l’hôpital public est maintenant entre les mains de gestionnaires soumis à de stricts impératifs budgétaires. Chaque acte de soin rentre dans une grille tarifaire. Cette cotation soumet les soignants à des résultats d’objectifs, non plus de soin, mais économiques. De ce fait, il n’est pas étonnant que des tensions naissent de cette maltraitance subie par tous.

Julie Rossello-Rochet, à l’origine du texte, a souhaité être au plus proche de cette réalité.  Le projet a émergé à la suite du premier mouvement de grève des soignant(e)s  en mars 2019. C’est par une immersion pendant plusieurs mois au sein de l’hôpital, par le dialogue, les échanges avec les soignants et leurs proches, que l’écriture du spectacle a eu lieu. Le personnel des différents services a donc remis entre les mains de l’autrice ses témoignages et ses récits de vie afin qu’elle en restitue avec les membres du Grand Nulle Part, l’humaine et précieuse matière.  

L’urgence scénique

Cinq comédiens, Amélie Esbelin, Benoit Martin, Manon Payelleville, Nelly Pulicani et Côme Thieulin, investissent le plateau avec une énergie qui ne faiblit pas. Tour à tour, infirmiers, médecins, directeurs ou patients, un simple changement de blouse ou de vêtement leur suffit pour passer d’un personnage à l’autre. La transformation est rapide, instantanée. L’urgence s’empare des corps comme de la scène. Les paroles vont vite et les tableaux s’enchaînent, l’un chassant l’autre.

La mise en scène de Julie Guichard et du collectif multiplie les actions. L’espace se modifie régulièrement. Au gré des déplacements d’objets, il devient bloc opératoire, salle d’attente, de consultation, de radiologie, de débriefing, de repos, de rééducation. Les manipulations à vue participent elles aussi à la rapidité de l’ensemble. Les éléments de décor sont poussés, bougés, modifiés, dans une chorégraphie fiévreuse.

La vitalité se double souvent de sons produits par les acteurs. Les bruits inhérents à l’hôpital ( bips, branchements divers, défibrillation…) sont accompagnés de gestes qui miment l’action. Les actes médicaux paraissent alors beaucoup moins sérieux malgré la gravité de certains événements. A côté de ces situations où le comique l’emporte, la maladie, les difficiles efforts de rééducation, et la mort ne sont pas évacués. Cela donne lieu à des scènes touchantes. L’une d’entre elles, où l’infirmier continue à parler à l’homme qui vient de mourir, rappelle forcément le magnifique et émouvant roman de Maylis de Kerangal, Réparer les vivants.

Entre ses mains de la compagnie Le Grand nulle part séduit,  par la vivacité de la mise en scène et celle du jeu de cinq comédiens.

Les LM de M La Scène : LMMMMM

 

 

Entre ses mains

Aux Plateaux sauvages

Festival Impatience

Texte Julie Rossello-Rochet
Mise en scène Julie Guichard
Avec la collaboration artistique de l’ensemble de l’équipe interprètes : Amélie Esbelin (Liza Blanchard à la création), Benoit Martin (Ewen Crovella à la création), Manon Payelleville, Nelly Pulicani et Côme Thieulin.
Chorégraphie Jérémy Tran
Création musicale et sonore Morto Mondor
Scénographie Camille Allain Dulondel
Lumières Arthur Gueydan
Costumes Bertrand Nodet
Régie son Martin Poncet et Jean Gueudré
Régie lumière et générale Bastien Gerard et Zael


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