Critique Danses pour une actrice

( Jolente de Keersmaeker) Conception Jérôme Bel

1 261

Au Théâtre de la Bastille, le chorégraphe Jérôme Bel présente Danses pour une actrice, le solo qu’il a conçu pour Jolente De Keersmaeker, la cofondatrice du tg STAN. La comédienne happe le regard par l’expressivité de sa présence. 

L’imaginaire comme partenaire 

Jolente De Keersmaeker n’est pas danseuse. Au début du spectacle, elle s’avance vers le public, habillée d’un tee-shirt et d’un short noirs, chaussettes roses aux pieds. De six à quatorze ans, elle a suivi un cours de danse classique, dit-elle. Sa seule formation. Dans le silence, l’interprète se lance alors dans la re-création d’un des cours qu’elle a pu suivre enfant. Le dossier d’une chaise sert de barre. Comme la jeune fille qu’elle était, l’actrice exécute des dégagés et des petits battements. Au milieu, elle poursuit par des pirouettes maladroites, avant de finir, par des diagonales de grands jetés. Le cours est restitué avec le plus grand sérieux. Derrière la femme mûre se dessine, de façon touchante, l’adolescente malhabile mais appliquée. 

Ce qui intéresse Jérôme Bel, ce n’est pas le spectacle d’une excellence ou d’une technicité qui viserait à impressionner celui qui regarde. La danse devient le moyen d’approcher à travers l’expérience du plateau la fragile complexité humaine. Avec le chorégraphe, l’actrice Jolente De Keersmaeker a travaillé sur des « danses issues de la modernité chorégraphique » , celles qui ont résonné avec l’imaginaire de la comédienne. Les mots ont aidé à apprendre et à entrer dans le mouvement.  » Tendre les bras vers. Chercher. Revenir à soi. Abandonner. Le monde. Accepter » . Le silence, la musique, les projections intimes de la pensée ont ensuite accompagné le mouvement.

Une traversée de l’émotion

Les danses s’enchaînent. Prélude, d’Isadora Duncan. Improvisations à partir du solo de Pina Bausch, dans Café Muller et sur le tube de Rihanna, Diamonds. Performance Butô ou commentaire mimé d’extraits de chorégraphies dont celle de John Travolta dans Saturday Night Fever. L’actrice termine par une danse joyeuse de sa composition sur la musique Folias Criollas, qu’elle dit avoir intitulée « La mer. Toujours la mer » .

Cette traversée est avant tout celle de l’émotion. La comédienne se met à nu. Au sens propre et au figuré. Son visage et son corps se transfigurent au fil de l’expérience vécue. Jolente De Keersmaeker happe le regard par l’expressivité de sa présence. Eclairée par les lumières minimalistes et enveloppantes de Lucas Van Haesbroeck et Iwan Van Vlierberghe, la comédienne se livre avec une sincérité désarmante et une force étonnante. Certains passages s’étirent un peu trop mais, Jérôme Bel réussit à établir une jolie connivence entre l’actrice et ceux qui la regardent vivre le mouvement. 


Danses pour une actrice ( Jolente De Keersmaeker) par Jérôme Bel n’a rien de mièvre ou de doucereux. Le spectacle donne à voir la rencontre joyeuse et radicale entre une actrice et le pouvoir de son imaginaire.

Les LM de M La Scène : LMMMMM


Danses pour une actrice (Jolente De Keersmaeker)

Théâtre de la Bastille    15 > 22 OCT

Conception Jérôme Bel

Avec Jolente De Keersmaeker

Lumières Lucas Van Haesbroeck et Iwan Van Vlierberghe
Régie Iwan Van Vlierberghe
Spectacle présenté en co-réalisation avec le Festival d’Automne à Paris


Vous souhaitez lire une autre critique de M La Scène sur un spectacle de danse ? Celle-ci pourrait vous intéresser : Critique LOVETRAIN2020 d’Emanuel Gat

S'abonner à notre newsletter
laissez un commentaire

Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur notre site. Si vous continuez à utiliser ce dernier, nous considérerons que vous acceptez l'utilisation des cookies. Accepter En savoir plus