Critique LOVETRAIN2020

Chorégraphie Emanuel Gat

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Au Théâtre de Chaillot, Emanuel Gat présente LOVETRAIN2020, une chorégraphie enlevée qui célèbre l’énergie des années 80. Les lumières, conçues également par le chorégraphe, magnifient les tableaux.

Parade à froid

Chaillot parade précède LOVETRAIN2020. Il s’agit d’un film d’une durée d’une vingtaine de minutes. Disons-le tout de suite, c’est la partie la moins intéressante du spectacle. A l’origine, les danseurs devaient défiler dans le Foyer de la Danse de Chaillot, vêtus des costumes chamarrés imaginés par Thomas Bradley. Mais, la pandémie stoppe la parade. La compagnie décide alors d’investir les travées souterraines, les escaliers de service et les cintres du théâtre.

Le film, réalisé par Emanuel Gat et monté par Julie Gat, témoigne de cette prise de possession étrange des lieux. Les images s’attachent aux détails, fissures, pans de murs, éléments de statues, plans de régie ou d’ateliers. Les danseurs entrent dans des espaces confinés ou semblent en être prisonniers. Un écho visible à ce que la pandémie fait vivre au monde. Drapés de leurs costumes bigarrés à l’opulente texture, les personnages empruntent des escaliers, des couloirs, ouvrent des portes, sortent d’un sas, ou se dressent dans une alcôve.

Les costumes extravagants imaginés par Thomas Bradley transforment les êtres en créatures étranges. Le regard biaisé, le sourire de certains des danseurs à la fin, comme les superpositions de tissus, évoquent en filigrane, l’univers du peintre du XVIIe siècle, George de la Tour. Il est réellement dommage que l’ensemble soit si répétitif, et surtout, qu’il soit accompagné d’un texte sans intérêt et quelque peu prétentieux qui alourdit le visuel.

Danse sous clair-obscur

LOVETRAIN2020 est une chorégraphie enlevée qui célèbre l’énergie des années 80. Les tubes iconiques du duo anglais Tears for Fears accompagnent ce qui est présenté comme une comédie musicale pour quatorze danseurs. Les incontournables « Mad world, Shout, Everybody Wants to Rule The World, Change, Sowing The Seeds Of Love » rythment le spectacle. Emanuel Gat évite cependant le piège de l’illustration. Aucun effet « clubbing » ne vient séduire au rabais.

Le mouvement est perpétuel, dynamique mais brisé parfois par le ralenti ou le silence. Courses, arrêts, s’enchainent. Les groupes se font et se défont, occupant tout l’espace dans une gestuelle précise. Les solos, duos, ensembles, s’inscrivent dans une esthétique soignée et étrange. Dès le début, la scénographie et l’éclairage construisent un univers onirique et inquiétant. Quatre portes hautes et étroites laissent entrevoir, en fond de scène, des personnages qui passent nimbés de fumée. Au fil de la chorégraphie, le brouillard ne cessera d’envelopper la scène d’une atmosphère ouatée.

Les lumières, conçues également par Emanuel Gat, sont de toute beauté. Elles magnifient les tableaux. Elles découpent parfois l’espace au cordeau ou jouent à rompre l’attendu et les ambiances installées. Mais, la plupart du temps, diffuses dans la fumée qui s’élève, les lumières, comme dans certains tableaux religieux, interrogent la pénombre et ce qui n’est pas visible. Le clair-obscur domine. La danse y gagne en intensité et force. Chaque danseur, individualisé par son costume (Thomas Bradley), et par sa gestuelle, semble confronté à un espace non défini qui lui échapperait et auquel il tenterait  d’avoir accès. Oserons-nous dire qu’un questionnement sur la présence du divin peut se lire en creux dans la pièce d’Emanuel Gat ?

Portée par les synthétiseurs de Tears for Fears, la chorégraphie d’Emanuel Gat, LOVETRAIN2020, emporte l’adhésion. L’énergie du collectif se déploie dans un espace nourri d’une spiritualité palpable.

Les LM de M La Scène : LMMMMM

 

 

LOVETRAIN2020 

Théâtre de Chaillot

Chorégraphie et lumières Emanuel Gat

Musique Tears for Fears

Création costumes Thomas Bradley

Réalisation costumes Thomas Bradley, Wim Muyllaert

Direction technique Guillaume Février

Son Frédéric Duru

De et avec Eglantine Bart, Thomas Bradley, Robert Bridger, Gilad Jerusalmy, Péter Juhasz, Michael Loehr, Emma Mouton, Eddie Oroyan, Rindra Rasoaveloson, Ichiro Sugae, Karolina Szymura, Milena Twiehaus en alternance avec Ashley Wright, Sara Wilhelmsson, Jin Young Won

 

Chaillot Parade (1ère partie)

Réalisation Emanuel Gat

Création costumes, textes et narration Thomas Bradley

Direction de la photographie Julia Gat

Réalisation costumes Thomas Bradley et l’atelier costumes de Chaillot – Théâtre national de la Danse (Sophie Heurlin, Lea Baltzer, Bernard Boulais, Alice François, Cassandre Marti, Alix Nonnenmacher, Juliette Olivier, Sophie Pecout, Lucille Pernel)

Création chaussures Oldrich Voyta Réalisation chaussures Oldrich Voyta et Fillamentum Industrial

Musique originale Emanuel Gat

Montage Julia Gat

Technique, lumières Guillaume Février et l’équipe technique de Chaillot – Théâtre national de la Danse Coiffure et maquillage Serena Galati et Make up for ever Academy (Fanny Brou, Serena Choueiri, Laure Daubois, Maëlys Guillemot, Laurène Lacroix, Velma Vanin)

Avec Eglantine Bart, Thomas Bradley, Robert Bridger, Gilad Jerusalmy, Péter Juhász, Michael Loehr, Emma Mouton, Eddie Oroyan, Rindra Rasoaveloson, Ichiro Sugae, Karolina Szymura, Milena Twiehaus, Sara Wilhelmsson, Jin Young Won

Filmé à Chaillot – Théâtre national de la Danse


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