Critique Aria da Capo

Mise en scène Séverine Chavrier

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Dans Aria da capo, Séverine Chavrier met en scène un quatuor de jeunes artistes musiciens. Pour ces adolescents, désirs, pulsions de vie, langueur, inquiétudes, tentent de se donner le la. (Découvrir l’interview de Séverine Chavrier au théâtre des Amandiers, devant les caméras de M La Scène).

Aria Da capo

Variations intimes

La première image du spectacle est saisissante. Du noir total émergent quatre personnages figés. En avant-scène, ces corps statufiés, fixent le public derrière leurs masques blancs tandis qu’une musique classique s’élève entrecoupée bientôt d’une voix off. Un « maître » parle. La musique, il faut commencer tôt. « A l’âge de cinq ans, c’est déjà trop tard. » Le noir revient et occulte cette première image. Celle peut-être du carcan imposé par les pères. 

Puis, l’échauffement musical d’un orchestre parvient du fond de scène. « Un orchestre fantôme » selon l’expression de Séverine Chavrier, comme un appel, une exigence toujours présente à l’esprit, même si elle est hors de regard. Celle du travail pour l’amélioration de la pratique musicale ou du concert à venir. L’un après l’autre, quatre musiciens vont se présenter. Les silhouettes sont lourdes, les postures voutées. Ils portent des masques de latex. Agés, anonymes, chacun d’eux saisit son instrument. Piano, violon, basson, trombone. Mais, il semble qu’aucun d’eux ne puisse plus parvenir à créer avec les autres.

En rupture avec ces deux images de musiciens corsetés, d’autres vont apparaître. Celles de jeunes artistes, en proie aux pulsions de vie, aux appétits des sens, à la nécessité d’aimer. C’est autour de leur parole, de leurs échanges, de leur monde juvénile, parfois insolent, que Séverine Chavrier a construit Aria da capo. Comme mue par des variations intimes, la musique de leur monde va se décliner avec langueur et légèreté.

Protection et exposition

Sur le plateau, deux boites transparentes, rectangulaires, structurent l’espace. Chacune d’elles, comme une chambre d’adolescent est un lieu clos, intime, où la parole se déploie en liberté. L’endroit protège mais paradoxalement, expose. Car derrière les parois vitrées, tout est donné à voir.

Les quatre jeunes interprètes ( Guilain Desenclos, Victor Gadin, Adèle Joulin, Areski Moreira) se filment en direct. Avec un sens du cadre impressionnant, ils projettent leurs images sur les différents écrans qui multiplient les espaces et jouent une partition maîtrisée sous nos yeux. Large écran rectangle qui se hisse ou s’abaisse, murs écrans dans les « boites-chambres » , écran des smartphones, les images se répondent, se fractionnent, traquent une identité qui cherche à se construire et à se révéler.

Les corps sont souvent allongés sur des matelas, alanguis, avachis. Mais, le rythme donné par les prises de vues, par l’alternance du noir et blanc et de la couleur, dynamise la posture, tout comme le travail sur le son réalisé par Olivier Thillou et Séverine Chavrier. A l’intérieur de cet univers où s’organise une mise en scène de soi, se déploie, même s’il y quelques longueurs, une langue touchante, celle de l’amitié. Depuis 2020, année de la création, les interprètes, très jeunes à l’époque, ont muri et changé, mais ils ont su préserver l’éclat de l’authenticité.

 

Pour Séverine Chavrier qui vient d’être nommée à la direction de la Comédie de Genève  et qui revient dans la ville de son adolescence où elle avait fait ses premières gammes, Aria da capo était étonnamment programmatique. Comme ses interprètes talentueux, pour qui de belles mélodies restent encore à jouer, cette nouvelle aventure en Suisse remet en jeu les possibles de la création.

Les LM de M La Scène : LMMMMM


Aria da Capo

Nanterre-Amandiers

12 — 22 avril 2023

Mise en scène Séverine Chavrier
Texte Guilain Desenclos, Adèle Joulin, Areski Moreira
Avec Guilain Desenclos, Victor Gadin, Adèle Joulin, Areski Moreira
Création vidéo Martin Mallon, Quentin Vigier, Création son Olivier Thillou, Séverine Chavrier
Création lumières et régie générale Jean Huleu
Scénographie Louise Sari
Costumes Laure Mahéo
Arrangements Roman Lemberg
Construction du décor Julien Fleurea

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