Coupable mise en scène Jérémie Lippmann

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Au Studio Marigny, dans Coupable, Richard Anconina monte sur les planches pour la première fois et relève le défi.

Un huis clos immersif

Coupable est l’adaptation théâtrale d’un film danois Den Skyldige. Sorti en 2018, ce thriller de Gustav Möller et Emil Nygaard Albertsen avait marqué les esprits. La caméra ne quittait pas le personnage principal : un policier placé dans un centre d’appel d’urgence en attendant l’audience de son procès. Le travail sur le son donnait vie et épaisseur au hors champ. Dans une course contre la montre, le « héros » tentait d’agir à distance sur les événements qu’il ne pouvait contrôler. Un remake américain, The Guilty, réalisé par Antoine Fuqua en 2021 avec Jake Gyllenhaal, en reprenait l’argument et le parti pris cinématographique.

Camilla Barnes et Bertrand Degrémont ont su adapter le scénario pour le théâtre. Lors d’une nuit de garde à Police Secours, un policier reçoit l’appel de détresse d’une femme, victime d’un kidnapping. Seulement armé de son téléphone, des écrans à sa disposition, de son intuition et de sa capacité à agir face au danger, l’homme tente toute la nuit de lui venir en aide. Il y a pour lui une double urgence. Sauver la vie de cette femme qu’il tient au bout du fil et se sauver lui-même.

La scène se prête, par essence, à devenir le lieu de ce huis clos immersif. Comme un long plan séquence d’une heure trente, Coupable tient le spectateur en haleine. 

Sons et hors champ

Sur le plateau, un grand bureau concave flanqué de deux ordinateurs occupe la majeure partie de la scène. Deux portes, à cour et à jardin, ouvrent, l’une, sur un petit vestibule, l’autre sur ce qui conduit à un autre centre d’appel. Sur le mur du fond, trois grands écrans permettent de suivre en direct les recherches menées par le policier en action. Cartes pour les repérages géographiques et géolocalisation, images des caméras de vidéosurveillance, données sur les personnages incriminés, sont projetées sous les yeux du spectateur à l’instant même où le protagoniste agit.

La mise en scène de Jérémie Lippmann parvient à entretenir la tension qui animait le film original. Notamment, grâce à un travail subtil sur le son et le hors champ. L’univers acoustique renforce l’angoisse. Pluie qui tambourine, portières qui claquent, pleurs étouffés, écrans qui grésillent, accident de voiture, communications qui s’arrêtent brutalement, tout concourt à faire partager l’angoisse du policier qui ne peut rien maîtriser et tente d’intervenir à distance. Les lumières conçues par Jean-Pascal Pracht accompagnent la montée en puissance du suspens.

Au bout de la nuit, la vérité

Richard Anconina incarne magnifiquement ce policier. Il donne à son personnage une humanité touchante. Coupable d’une bavure, en attente d’un jugement, au début de la pièce, le personnage se calfeutre dans le mensonge. L’insouciance et la légèreté sont de mise. Puis, au fil des événements, le policier vacille. Sauver cette femme devient le chemin de sa rédemption. Au bout de la nuit, la vérité sera dite.

Seul en scène, à l’exception de quelques interactions avec Gaëlle Voukissaqui interprète sa supérieure, le comédien relève le défi de porter une action qui ne permet aucun relâchement. En constant dialogue avec des voix off ou des signaux sonores, l’acteur maintient la tension tout au long de la représentation.


Une belle réussite pour les premiers pas au théâtre de Richard Anconina. ♥♥♥♡♡


COUPABLE

D’après le film original danois DEN SKYLDIGE 
de Gustave Möller et Emil Nygaard Albertsen
Adaptation scénique française : Camilla Barnes et Bertrand Degrémont 

Mise en scène : Jérémie Lippmann (nomination aux Molières 2020  « Metteur en scène d’un spectacle de théâtre privé »)

Avec Richard Anconina, Gaëlle Voukissa

et les vois off de Julie Pélissier, Marlène Campos, Nicolas Briançon, Christophe Raymond, Leslie Médina, Jérôme Kircher, Nathalie Kouznetsov, Nicolas Bridet, Guillaume Faure, Alenza Dus, Vincent Jouan, Nassim Haddouche, Lola Le Lann, François Bureloup, Chloé Stéfani

Assistante mise en scène : Alexandra Luciani
Scénographie : Jacques Gabel
Lumières : Jean-Pascal Pracht
Son : Adrien Hollocou
Costumes : Virginie Montel
Vidéo : Antoine Le Cointe 

Au Théâtre Marigny


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