Antigone 82 mise en scène Jean-Paul Wenzel

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Antigone 82  est l’adaptation théâtrale du roman choc de Sorj Chalandon Le Quatrième Mur, prix Goncourt des lycéens 2013. Adapté par Arlette Namiand, mis en scène par Jean-Paul Wenzel, le spectacle défend scéniquement l’idée d’un lieu où les différences puissent se rencontrer.

« Voler deux heures à la guerre « 

Le roman brûlant de Sorj Chalandon, Le Quatrième mur, à l’origine d’Antigone 82,  est traversé par « l’idée belle et folle » de monter l’Antigone de Jean Anouilh au cœur de Beyrouth en guerre. En 1982, au Liban, Georges poursuit le rêve de son ami Samuel Akounis, un metteur en scène grec et juif, trop malade pour le réaliser. Il s’agit de réunir des protagonistes des camps qui s’entre-déchirent pour qu’ils jouent ensemble.  

Dans les ruines d’un cinéma, sorte d’amphithéâtre meurtri, Georges parvient à regrouper ses « comédiens ». Antigone est une palestinienne sunnite, Créon, un chrétien maronite, Hémon, un druze, la Nourrice, une chaldéenne, Eurydice, une chiite, le Chœur, un juif ( joué par Georges qui porte la kippa de son ami). Une trêve théâtrale imaginée pour arracher quelques heures à l’horreur mais qui ne pourra se réaliser. La guerre aura raison de la représentation. 

Antigone 82
Antigone 82 (c)Jérôme Belin

« Briser le quatrième mur »

Sorj Chalandon a donné un titre profondément théâtral à son roman Le Quatrième mur.  Pour Brecht, un théâtre nécessaire est celui qui ne perd pas de vue la société au service de laquelle il est. Il ne doit pas y avoir de quatrième mur entre la salle et la scène.

Jean-Paul Wenzel dans Antigone 82 choisit de s’inscrire dans cette lignée. Le dispositif est tri-frontal. Deux rangées de sièges investissent le plateau. Les acteurs prennent place à côté des spectateurs. La scène se prolonge parmi nous. Brisé, le quatrième mur, permet d’interroger l’instant vécu.

L’impression est renforcée par la présence sur le plateau de deux musiciens-acteurs. Les accents orientaux du oud de Hassan Abb Alrahman et la guitare électrique de Nathan Gabily accompagnent le jeu. Comme la vidéo, qui inscrit les événements dans la chronologie et fait dialoguer le présent du plateau avec un ailleurs qui lui répond parfois.

Antigone 82
Lou Wenzel dans Antigone 82

La victoire du récit

La mise en scène de Jean-Paul Wenzel respecte le roman et s’attache à adapter les événements majeurs de la narration. Mais, la représentation ne parvient pas à bouleverser comme avait pu le faire la lecture du roman de Sorj Chalandon. L’écriture fiévreuse, violente, son souffle épique, noir et poignant, reste en mémoire comme un écho tragique qu’on aurait aimé retrouver.

De l’interprétation, inégale, on retiendra celle de Pierre Giafferi qui donne à voir la descente aux enfers de Georges et celle d’Hammou Graïa qui campe un Marwan, très proche de son modèle littéraire, attachant et redoutable.

Le Quatrième mur de Sorj Chalandon ne cesse d’être interrogé théâtralement. Le texte est adapté et monté aux Déchargeurs du 12 février 2019 au 2 mars 2019 par Julien Bleitrach et Cyril Manetta. Il sera intéressant de découvrir ce nouveau point de vue.

Mise en scène : Jean-Paul Wenzel Adaptation : Arlette Namiand
Avec
Hassan Abd Alrahman (jeu et musique), Fadila Belkebla, Pauline Belle, Pierre Devérines, Nathan Gabily (jeu et musique) Pierre Giafferi, Hammou Graïa, Lou Wenzel.
Scénographie : Jean-Paul Wenzel , Création costumes : Cissou Winling
Création lumières : Juliette Romens, Création son : Philippe Tivillier,
Création vidéo : Jérémy Oury, Assistante : Lucile Delzen

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