Matin et soir mise en scène Antoine Caubet

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Antoine Caubet monte Matin et soir, le roman norvégien de Jon Fosse adapté par Terje Sinding et parvient à faire entendre la musique envoûtante d’un entre-deux où la vie et la mort ne semblent plus savoir se reconnaître.  

Dans la lumière crépusculaire de la mort

Matin et soir. L’histoire est simple. En deux temps. Un homme naît. Un enfant de pêcheur. Il sera pêcheur, dit son père. Comme lui. Johannes est le nom de l’enfant qui vient au monde.

Deuxième moment. L’homme est vieux. Johannes se lève. Comme chaque matin, il pense au café qu’il va prendre, à la cigarette qu’il va fumer, à sa promenade sur la grève. Un matin semblable à tous les autres de sa vie. Et pourtant, ce matin est différent. C’est le soir de sa vie. Imperceptiblement, Johannes prend conscience qu’il quitte le monde et accepte de monter sur la barque avec Peter, son ami mort depuis des années,  pour s’éloigner du rivage. 

Pour mettre en scène cet entre-deux de la perception où la naissance et la mort échappent au présent, Antoine Caubet choisit de baigner le plateau d’une lumière crépusculaire de toute beauté. Le travail sur l’éclairage cisèle l’obscurité de présences fantomatiques et dessine les contours flous d’un espace mental étonné de se construire. 

Matin et soir
Matin et soir mise en scène Antoine Caubet Théâtre de l’Aquarium (c)Hervé Bellamy

Une scénographie épurée

Antoine Caubet opte également pour une scénographie épurée. En arrière plan, un grand cyclorama découpe l’espace visuel. Sur celui-ci ne se projetteront que des lueurs colorées. Jusqu’à l’acceptation finale, où le visage de Johannes apparaîtra comme dans un cadre de photographie. Image ultime du défunt qui se perdra dans le réseau des feuillages. Celle que gardera sa fille.

Le plateau est déjà une barque. Comme un grand radeau en bois, penché, il se maintient, en déséquilibre, au dessus d’une étendue d’eau. Tout peut se confondre. Intérieur. Extérieur. Espace réel. Espace rêvé. Barque réelle. Barque du passeur.

« La mort, cette énigme absolue »

Le travail sur la diction, sur la lenteur et l’immobilité active du corps évoque celui de Claude Régy, lui aussi passionné par les dramaturges norvégiens. Il y a comme un écho poétique qui se poursuit dans cette quête pour appréhender théâtralement « cette énigme absolue  » qu’est la mort. « Simplement je pense, comme Genet, que la mort fait partie du théâtre. Qu’on ne peut pas travailler au théâtre si on n’approche pas la mort, si on ne parle pas de la mort, si on ne s’occupe pas de cette énigme absolue que représente la mort. Impossible de réfléchir sur la vie sans réfléchir sur la mort ». (interview C.Régy, Médiapart 2016).

Sur scène, trois acteurs habitent l’espace. Pierre Baux, dont chaque geste, parait avoir été sculpté. Sa voix se saisit du texte pour en restituer la matière. Les mots sont soupesés. Lestés de leur charge vive. Johannes vibre claquemuré dans son matin qui est pourtant son dernier soir. A ses côtés, passeur amical, Antoine Caubet, tel un colosse fantomatique, accompagne cet ultime voyage. La jeune Marie Ripoll brise de sa voix fraîche les incertitudes qui maintenaient le vieil homme dans son entre-deux protecteur.

Le violoncelle de Vincent Courtois qui résonne dès la naissance de Johannes et jusqu’à son trépas, souligne efficacement les partis-pris dramaturgiques. 

Antoine Caubet au Théâtre de L’Aquarium porte Matin et soir, le texte de Jon Fosse, vers le couchant crépusculaire. Si l’univers scénique en rappelle d’autres, notamment ceux de Claude Régy, il n’en demeure pas moins que la poésie mélancolique fonctionne.

MATIN ET SOIR  5 > 24 février 2019 Théâtre de L’Aquarium
du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 16h

avec Marie RipollPierre Baux & Antoine Caubet

traduction de Terje Sinding (Editions Circé) adaptation, scénographie et mise en scène Antoine Caubet assistante Marlène Durantau, travail du corps Cécile Loyer (chorégraphe), lumière Antoine Caubet & Romain Le Gall Brachet, son Valérie Bajcsa, costumes Cidalia Dacosta, maquillages Magali Ohlman, vidéo & photographie Hervé Bellamy, construction des décors Éric den Hartog et Antonio Rodriguez, régie générale Romain Le Gall Brachet
violoncelle, composition, interprétation Vincent Courtois

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