Critique Pénélope

Chorégraphie Jean-Claude Gallotta

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Pénélope

Après Ulysse, une chorégraphie-culte, créée en 1981 et reprise récemment, Jean-Claude Gallotta imagine, en miroir, Pénélope, un ballet que transcende l’élan de vie. Au blanc du premier répond le noir du second. Une belle odyssée vers des rivages où la femme s’affirme comme maîtresse de son destin.

Pénélope: ce coeur qui bat

Héroïne homérique, figure de la ruse et de la fidélité, Pénélope est restée célèbre par-delà les siècles. Depuis vingt ans, Ulysse est absent d’Ithaque. La guerre de Troie et sa difficile odyssée pour retrouver sa patrie, donnent à penser à certains que le roi est mort. Seule, face aux prétendants au trône qui la pressent de céder à leurs sollicitations, la reine, acculée, invente un stratagème. Elle envisagera d’en épouser un quand le linceul de son beau-père Laërte sera achevé. Mais, ce qu’elle tisse le jour est défait la nuit. 

 

Jean-Claude Gallotta, fondateur avec Mathilde Altaraz, du groupe Emile Dubois, en donnant un versant féminin à son mythique Ulysse, ne succombe pas à l’écueil de l’illustration. Le plateau est noir, intemporel.  Une diagonale lumineuse légèrement décentrée découpe l’espace. Pénélope n’est pas une. Cinq danseuses démultiplient son image. Tandis que cinq danseurs leur font face. Bâtie en quatre actes, Les Prétendants, Les Guerrières, Les Indociles, Les Réconciliés, suivis d’un Epilogue, la pièce laisse la danse exprimer le désir, la rébellion et la force de l’élan de vie. 

 

Pénélope, c’est avant tout un coeur qui bat. Avec vivacité, les courses, les marches, les porters s’enchaînent.  La gestuelle est alerte, précise, calibrée par l’énergie qui se déploie sans discontinuer sur scène. Duos, trios, ensembles, se font et se refont, rebattant sans cesse les cartes d’une lutte pour que la lumière l’emporte sur les ténèbres.

« Nous sommes ce que nous dansons »

Nimbés par les belles lumières de Manuel Bernard, les corps des danseurs habillés de noir ( Chiraz Sedouga) font l’expérience d’une traversée des émotions. La danse donne à voir la séduction, le désir, la révolte, la réconciliation, et la ferveur d’être ensemble, vivants, dans un clair-obscur que des teintes orangées rehaussent.

Pourtant, chaque danseur semble exister dans sa différence et son interprétation du mouvement. Parmi cet ensemble virevoltant, se détache la haute silhouette de Thierry Verger. Sa gestuelle séduit autant par sa précision que par son élégance. Axelle André, Naïs Arlaud, Alice Botelho, Bernardita Moya Alcalde et Clara Protar forment un quintette puissant. Figures d’une même femme rebelle, guerrière et indocile, les danseuses impressionnent par la force de leur engagement. Par le geste, pouce et index collés qui étire un fil invisible vers le ciel, elles renouent avec leurs soeurs ancestrales, les Parques. Ce geste est d’ailleurs, celui choisi par Jean-Claude Gallotta comme image finale. Les dix danseurs, face public, hommes et femmes habillés semblablement, le reproduisent dans un partage ultime et apaisé.

« Où l’on voit que nous sommes inconsolables et gais » est le sous-titre de l’Epilogue. Comme un miroir à cette phrase, sur un rideau transparent qui se baisse à plusieurs reprises, est projetée l’image d’un studio de danse. Dans celui-ci, une femme au visage lumineux (Béatrice Warrand) offre un duo avec un homme centenaire en chaise roulante ( George Mac Briar). Un hommage sensible au pouvoir de la danse.

Sur les rivages chorégraphiques imaginés par Jean-Claude Gallotta, Pénélope rejoint Ulysse pour notre plus grand plaisir.

Les LM de M La Scène : LMMMMM


Pénélope

13 – 22 JANVIER 2023    Théâtre du Rond-Point

Chorégraphie : Jean-Claude Gallotta
Avec : Axelle André, Naïs Arlaud, Alice Botelho, Ibrahim Guétissi, Fuxi Li, Bernardita Moya Alcalde, Clara Protar, Jérémy Silvetti, Gaetano Vaccaro, Thierry Verger
Musiques originales* : Noémi Boutin
Avec : Géraldine Foucault, Marie Nachury
Et : Sophie Martel, Antoine Strippoli
Assistanat à la chorégraphie : Mathilde Altaraz
Textes et dramaturgie : Claude-Henri Buffard
Lumières et scénographie : Manuel Bernard
Assistant lumières : Benjamin Croizy
Costumes : Chiraz Sedouga
Séquences filmées : Paul Callet
Interprétation films : George Mac Briar, Béatrice Warrand
Avec les voix de : Dominique Laidet, Béatrice Warrand


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