Critique The Confessions

mise en scène Alexander Zeldin

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Critique The confessions

Présentée à l’Odéon, dans le cadre du Festival d’Automne à Paris, The Confessions, la nouvelle création dAlexander Zeldin, s’inspire d’éléments de la vie de sa mère pour retracer la trajectoire d’une femme vers l’émancipation. Comme le Pierrot, peint par Jean-Antoine Watteau, Alice fixe le spectateur, animée par une quête mélancolique : sortir du cadre qui la maintient hors d’elle-même. 

English version

La Vie d’Alice

The Confessions s’écarte des précédents spectacles mis en scène par Alexander Zeldin. Love, prenait place dans un refuge pour personnes en situation d’urgence en Angleterre. Sans misérabilisme, ni complaisance, le spectacle dressait une cartographie sans fard d’une société qui a oublié les siens. Faith, Hope and Charity évoquait les derniers jours d’une banque alimentaire britannique qui, à court de ressources, fermait. Une mort dans la famille faisait le choix de l’hyperréalisme en décrivant au sein d’un Ehpad, la fin de la vie d’une femme. A chaque fois, le sordide côtoyait la grâce. De la réalité, parfois la plus crue, jaillissait l’étonnante et fragile beauté de l’humanité.

Ici, le réel cède le pas au récit. Dans The Confessions, Alice, la mère du metteur en scène, incarnée par deux actrices formidables, (Amelda Brown et Eryn Jean Norvill), raconte sa vie. C’est à partir des souvenirs de sa mère, qu’il a interrogée, qu’Alexander Zeldin a construit son spectacle. Confessions en deux temps, donc, puisque le fils, en  premier lieu, et le public, ensuite, deviennent les destinataires de ce qui leur est confié.

Tout commence en Australie. Issue d’un milieu modeste, Alice ne peut continuer ses études et se marie avec un militaire qui travaille dans la marine. Cette vie morose ne la comble pas. Un divorce lui offre la possibilité de partir. A Melbourne, elle fréquence les milieux de l’art. Le viol dont elle est victime, par un des membres éminents de la faculté, lui fait quitter son pays natal. Désormais, en Angleterre, Alice prend sa vie en main, s’assume. Elle choisit son métier et l’homme qui sera son compagnon, comme le père de ses enfants.

Sortir du cadre

La trajectoire de cette émancipation s’organise en tableaux, dont le personnage d’Alice est maîtresse du jeu. Chaque épisode de sa vie est rythmé, soit par l’ouverture du rideau d’avant-scène, soit par un changement de décor. Dès le début, la mère du metteur en scène prend les traits d’Amelda Brown. Une femme âgée longe l’allée entre les spectateurs, côté cour, et monte sur scène. Elle s’adresse à ceux qui la regardent, conte un souvenir de son enfance, puis ouvre lentement l’un des pans de velours bordeaux. Une façon de laisser place à ce qui va se jouer. Les tableaux de son existence reconstituée. Alice ouvre le rideau sur le théâtre de sa vie.

La scénographie imaginée par Marg Horwell accentue volontairement la mise en abyme. Sur le plateau, une estrade a pris place au lointain. Encadrée par une structure rectangulaire, elle sert de tréteaux à plusieurs épisodes et accentue l’enfermement d’Alice. Scène au collège, chez ses parents, chez son mari, les tableaux se succèdent et reproduisent l’étriqué de ce qui est vécu. Alice ne peut sortir du cadre qui lui a été imposé par une société sans imagination. Parfois, même, un petit rideau noir, qui s’ouvre et qui se referme, double le lourd rideau bordeaux d’avant-scène. La théâtralité ne quitte pas ce récit de vie et en revendique la mise en espace.

Un Pierrot lumineux et triste

Sortir du cadre prend donc tout son sens. Il s’agit de s’extraire d’une représentation qui place Alice à des endroits où elle ne veut pas être et où elle joue un rôle qui ne la rend pas heureuse. Celle de la fille obéissante, celle de l’épouse parfaite ménagère, celle de la femme soumise aux désirs des autres, et qui doit se taire. Pourtant, à l’instar du sujet du Pierrot, peint par Jean-Antoine Watteau, que la mère d’Alexander Zeldin a évoqué lors de leurs entretiens, figée dans son silence, elle n’aspire qu’à sortir des montants de sa prison.

Le travail sur les costumes (Marg Horwell) est à ce titre remarquable. Très soigné, il confère aux couleurs une forte valeur symbolique. Lorsque Alice est encore porteuse de vie dans son couple, le personnage arbore une robe bordeaux ( semblable à celui du rideau d’avant-scène). Mais, au bout des quelques années, comme le « Gilles » de Watteau, elle est vêtue de blanc de céruse. Au point de disparaître dans l’univers ménager qui est son quotidien, le bahut, la table, les murs, le frigo. Comme l’acteur mélancolique qui porte encore son habit de théâtre, Alice s’est perdue sur la scène sociale. Vampirisée par son intérieur, elle est un meuble parmi d’autres.

Une scène inoubliable

La belle idée d’Alexander Zeldin est de faire interpréter le personnage d’Alice par deux comédiennes. Amelda Brown l’incarne âgée et Eryn Jean Norvill, jeune. On assiste à un dédoublement des corps et des regards. L’une observe l’autre. Alice revisite son passé qui est réactivé dans le présent par une autre. Mais, parfois, le souvenir laisse Alice revivre dans le présent ce qu’elle avait vécu.

A ce titre, une scène d’une justesse extraordinaire sidère. Lors d’une visite chez un peintre réputé, accompagnée par un des professeurs de la faculté, Alice (Eryn Jean Norvill) est victime d’un viol. Celui-ci est commis hors de la vue du spectateur mais dans un temps réel, celui de la représentation. Quand la jeune femme ouvre la porte du lointain et sort courbée et anéantie, le public a pu vivre la temporalité de l’agression.

Cependant, c’est Alice, interprétée par Amelda Brown, qui parvient à imposer sa loi à son violeur. Sous le regard de son jeune double, elle le contraint à se déshabiller, à prendre un bain avec elle et à s’allonger à ses côtés sans qu’il la touche. Les deux acteurs sont nus. Lui, dans la force de l’âge. Elle, au corps vieillissant. On retrouve ici tout l’art d’Alexander Zeldin. Ce qui touche et laisse pantois. La scène est forte, digne et ne cède rien au voyeurisme. Elle met, de plus, à jour, une réalité. Pour Alice, les années n’ont rien effacé. Le viol et l’entreprise de reconquête sur son corps abusé, se vivent encore au présent. 


The Confessions d’Alexander Zeldin intéresse. Une scène inoubliable reste en mémoire. On regrette, cependant, d’être tenus peut-être trop à distance de ce récit de vie qui s’annonçait personnel et intime.

Les LM de M La Scène : LMMMMM


The Confessions

texte et mise en scène Alexander Zeldin
Odéon 6e

29 septembre – 14 octobre
dans le cadre du Festival d’Automne 2023

avec Joe Bannister, Amelda Brown, Jerry Killick, Lilit Lesser, Brian Lipson, Eryn Jean Norvill, Pamela Rabe, Gabrielle Scawthorn, Yasser Zadeh

scénographie, costumes Marg Horwell

mouvement, chorégraphie Imogen Knight

lumière Paule Constable

musique Yannis Philippakis

son Josh Anio Grigg

directeur de casting Jacob Sparrow

casting australien Serena Hill

collaboratrice à la mise en scène Joanna Pidcock

soutien dramaturgique Faye Merralls, Sasha Milavic Davies

travail de la voix Cathleen McCarron

coaching linguistique Louise Jones, Jenny Kent


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