Dom Juan mise en scène Jean Lambert-wild & Lorenzo Malaguerra
Critique M La Scène : ♥♥♥♥♡
Jean Lambert-wild et Lorenzo Malaguerra s’emparent du texte de Molière, Dom Juan ou le Festin de pierre, pour proposer une plongée fantasmagorique dans l’univers mental d’un « chevalier » clownesque.
Un Dom Juan psychédélique
Dans cette adaptation du texte de Molière, Don Juan ne fuit rien. Il attend. Prisonnier d’un espace, qui, à la fois, le contraint et le stimule, le personnage attend sa confrontation avec le Commandeur. Une table est dressée en avant-scène pour le festin fatal. La scénographie imaginée par Jean Lambert-wild et Stéphane Blanquet souligne cet enfermement volontaire et menaçant. De hautes tentures à ramages chamarrés bordent, de part et d’autre, le plateau. Le tissu, épais, vibre sous la lumière. Ces tapisseries, en point numérique d’Aubusson, dressent les contours luxuriants de l’enclos où Don Juan se débat.
L’espace scénique est à l’image de l’espace mental du personnage, chaotique, foisonnant et menaçant. Comme hanté par une obsessionnelle présence. Celle du Commandeur que « le chevalier » délirant redoute et désire affronter. L’ennemi intérieur semble habiter les lieux où la folie et la mort rodent.
Le chevalier clownesque
Jean Lambert-wild laisse à son clown blanc « Gramblanc » le soin d’incarner la figure redoutable, cynique et cruelle de Dom Juan. Le clown élégant, maniéré, possédé, irradie le plateau de sa présence libre et dangereuse. Dans sa chemise blanche à jabots et manchettes, coiffé de sa crête rouge flamboyante, il virevolte, tel un oiseau exotique, dans sa prison mortifère et chamarrée. Le chevalier clownesque se rit des conventions et de la morale. Il impose sa loi brutale et défie la mort. L’interprétation est fine et magistrale.
Face à lui, Yaya Mbilé Bitang campe une Sganarelle féminine étonnante et désabusée. Trois musiciens drolatiques, serviteurs piégés sous la coupe du maître, (Denis Alber, Pascal Rinaldi, Romaine de la Compagnie de l’Ovale) interprètent frénétiquement la musique en direct. Particularité de la troupe qui entoure Jean Lambert-wild, de jeunes acteurs, juste sortis de l’Ecole Supérieure Professionnelle de Théâtre – L’ Académie de l’Union-, se relaient, de semaine en semaine, pour jouer en alternance Charlotte, Elvire, le Pauvre, et Dom Louis. Ce soir-là, Estelle Delville, à la diction parfaite, donnait à Elvire force et dignité dans ses deux monologues. Quentin Ballif, dans le rôle du père, simulait une lente décrépitude physique assez réjouissante.
Jean Lambert-wild et Lorenzo Malaguerra avec ce Dom Juan convient le spectateur à un festin haut en couleurs et grisant. ♥♥♥♥♡
DOM JUAN OU LE FESTIN DE PIERRE Théâtre de la Cité Internationale jusqu’au 15 février
Direction Jean Lambert-wild & Lorenzo Malaguerra
D’après Molière Adaptation Jean Lambert-wild & Catherine Lefeuvre
Avec Jean Lambert-wild, Yaya Mbilé Bitang, Denis Alber, Pascal Rinaldi, Romaine, ainsi que quatre acteurs /actrices en alternance issus de L’ Académie de l’Union –
École Supérieure Professionnelle de Théâtre du Limousin : Claire Angenot, Gabriel Allée, Quentin Ballif, Matthias Beaudoin, Romain Bertrand, Hélène Cerles, Ashille Constantin, Yannick Cotten, Estelle Delville, Laure Descamps, Antonin Dufeutrelle, Nina Fabiani, Marine Godon, Isabella Olechowski
Musique Jean-Luc Therminarias Scénographie Jean Lambert-wild & Stéphane Blanquet
Lumières Renaud Lagier
Costumes Annick Serret-Amirat
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