Critique Après la fin
Mise en scène Philippe Baronnet
Au Théâtre de Belleville, Philippe Baronnet met en scène Après la fin de Dennis Kelly. Les deux jeunes comédiens, Colomba Giovanni et Clément Ohlmann, relèvent le défi d’incarner la violence et la complexité des personnages.
Un huis-clos redoutable
Une explosion nucléaire a eu lieu. Deux personnages, épargnés, se retrouvent dans un ancien abri souterrain que l’homme possède au fond de son jardin. Mark a porté son amie pour la sauver. Louise, qui était inconsciente, n’a rien vu de la catastrophe. Elle découvre l’intérieur du bunker savamment organisé par son propriétaire. Lit, couverture, eau, boîtes de conserve, rien de parait manquer. Les deux survivants sont condamnés à vivre ensemble. Commence une lutte de pouvoir, exacerbée par l’emprisonnement et la privation, où la violence psychique et physique aura la part belle. Jusqu’à la révélation finale.
Après la fin, la pièce de Dennis Kelly, est bâtie comme un huis-clos redoutable. La construction rigoureuse ménage le rire et l’effroi. Les dialogues, vifs et ciselés, constituent la pierre angulaire de l’affrontement entre les deux personnages prisonniers de leur peur et de leurs fantasmes. Entre bourreau et victime, la lutte pour la survie s’appuie sur les mots. Le langage devient une arme pour dominer ou asservir l’autre avant que le corps ne cède à la violence. Philippe Baronnet qualifie la pièce de « machine à jouer » et souligne les défis de mise en scène dont celle-ci est porteuse.
La justesse de la direction d’acteurs
Philippe Baronnet a opté pour un dispositif bifrontal qui place le spectateur de chaque côté du plateau. Pour le metteur en scène, le bifrontal présente un double avantage : le spectateur est » en immersion très forte, attentif aux regard, aux mains. Et en même temps, il voit les spectateurs en face ce qui permet une distance car la pièce va très loin dans une mécanique implacable. » Dans La Musica II, la pièce de Marguerite Duras, que Philippe Baronnet avait présenté à Avignon, le dispositif installait le spectateur au plus près de la partition que jouait les anciens amants. Ici, la scénographie renforce l’enfermement.
Pour les deux jeunes comédiens, Colomba Giovanni et Clément Ohlmann, l’épreuve est de taille. Aucun échappatoire n’est possible. Ils sont pris en étau sous un double regard. Pendant un heure et demie, les interprètes se livrent avec une grande sincérité à un duel qui ne permet pas de repos. La tension est extrême. Psychique. Physique. Encore une fois, la direction d’acteurs est au plus juste. Évitant un voyeurisme malsain, Philippe Baronnet joue avec subtilité du noir ou de la pénombre, pour protéger ses jeunes interprètes d’une exposition trop crue.
Les rythmes de la batterie, jouée en direct par Lucas Jacquart, interviennent en contrepoint de l’action. Coupant parfois la parole aux protagonistes, ils soulignent l’irrémédiable engrenage de la violence et fabriquent à eux seuls les images de ce qui ne peut être montré. Ceux qui auront vu Scènes de violences conjugales de Gérard Watkins, où la batterie était déjà présente, y perdront cependant un peu d’émotion.
Après la fin, mis en scène par Philippe Baronnet, au Théâtre de Belleville, tient le spectateur en haleine et offre à ses deux jeunes interprètes une partition intense.
Les LM de M La Scène : LMMMMM
Après la fin
Théâtre de Belleville 04/09 > 27/09 – 2022
Lun. : 21h15
– Mar. : 19h
– Dim. : 17h30
Texte Dennis Kelly
Mise en scène Philippe Baronnet
Jeu Clément Ohlmann, Colomba Giovanni
Batteur Lucas Jacquart
Lumières Mathilde Foltier-Gueydan
Scénographie Philippe Baronnet
Équipe administrative Valérie Giovanni
Vous souhaitez lire un autre article de M La Scène sur la thématique de la violence infligée aux femmes ? L’interview de Gérard Watkins , pour Scènes de violences conjugales pourrait vous intéresser.