Bermudas chorégraphie Michele Di Stefano
Bermudas, la chorégraphie de Michele di Stefano, basée sur un système mathématique, déçoit car elle échoue à créer les tensions électriques liées au projet.
Un archipel sans mystère
Bermudas a été pensé comme un système. Il s’agit d’un système chorégraphique pensé pour un nombre variable d’interprètes. Interchangeables entre eux, le nombre peut fluctuer de trois à treize. Des règles simples et rigoureuses élaborent un mouvement perpétuel. La chorégraphie s’inspire également des théories du chaos, de la physique et de la météorologie. Comme les Bermudes auxquelles le titre fait référence, le plateau est censé devenir le lieu où des énergies, en constante évolution, se rencontrent. Mais, là où l’on attendait une zone chargée de turbulences, on ne découvre hélas qu’un archipel sans mystère.
L’entrée se fait dans le silence. Deux danseurs s’installent. L’un s’allonge et étire l’une de ses jambes. Un jet de fumée blanche se disperse dans les teintes orangées des lumières. D’autres entrent bientôt. L’un d’entre eux se met à parler. Quatre mots en italien traduits aussitôt en français. « Large. Long. Revers. Côté » . Comme la nomination des quatre mouvements qui vont désormais constituer l’essentiel de leur gestuelle. Quatre mouvements répétés à l’envi tandis que, sur la musique, les entrées et sorties latérales, côté cour, s’enchaînent. Pendant quarante cinq minutes, les danseurs exécutent des mouvements très simples de bras et multiplient les entrées et les sorties.
Des îlots solitaires
Comme des électrons lancés à vive allure, les danseurs effectuent des trajectoires qui rencontrent parfois celle des autres. Tournant sur eux-mêmes, sautant quelquefois, ils partagent le même espace sans qu’il y ait d’interaction autre que spatiale. Les mouvements donnent lieu parfois à de fugaces solos. Au milieu du spectacle pourtant, un danseur, seul, face public, effectue une danse différente. Précieuse, la gestuelle diffère des autres. Les linéaments des mouvements dessinent une autre histoire. Soudain, il pousse un cri – qui semble bien gratuit – et termine en envoyant un baiser au public – autre geste hors contexte.
Quand la musique reprend, les danseurs entrent à nouveau pour reprendre plus vivement leurs mouvements tandis que les nuages créés par la fumée se déploient sur scène. Ces îlots solitaires finissent néanmoins en ligne face à nous avant que le noir ne se fasse.
On regrettera également que les costumes desservent l’ensemble. Peu seyants, constitués de pièces disparates, ils n’avantagent ni les danseurs , ni les lignes tracées dans l’espace.
La chorégraphie de Michele di Stefano est, à n’en pas douter, précise mais, le système échoue à proposer une poésie du chiffre et de la rencontre imaginaire qui aurait pu conduire aux Bermudas. ♥♡♡♡♡
La Cie MK – Michele di Stefano a néanmoins obtenu de nombreux prix :
Prix Danza&Danza 2018 meilleure production italienne. Finaliste Prix Ubu 2018 pour le meilleur spectacle de danse. Sélectionné à la New Italian Dance (NID) Platforn 219 Bermudas forever. Prix Ubu 2019 pour le meilleur spectacle de danse
Bermudas
Conception et chorégraphie Michele Di Stefano Interprétation Philippe Barbut, Biagio Caravano, Andrea Dionisi, Sebastiano Geronimo, Luciano Ariel Lanza, Laura Scarpini, Francesca Ugolini Musique Kaytlin Aurelia Smith, Juan Atkins/Moritz Von Oswald, Underworld Lumière Giulia Broggi en collaboration avec Cosimo Maggini Conseil en météorologie Antonio Rinaldi Conseil en mathématiques Damiano Folli Costume Marco Mazzoni
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