Critique femmes en colère
Mise en scène Stéphane Hillel
Adapté du roman de Mathieu Menegaux, Femmes en colère, mis en scène par Stéphane Hillel au Théâtre La Pépinière, plonge le spectateur au coeur d’une chambre de délibéré d’un procès d’assises. Passionnant.
La justice en balance
Dans le box des accusés : une femme. La voix de l’avocat général retentit dès que le rideau s’ouvre. « Vingt ans » ! En échos, le chiffre est répété, martelé. Une peine exemplaire pour un crime abominable. Mathilde Collignon a comparu pour des actes de tortures ayant entrainé une mutilation et une invalidité permanente. Cette médecin gynécologue, mère de deux petites filles, attend le verdict de son jugement. Les jurés suivront-ils le réquisitoire de l’avocat général ou seront-ils plus cléments ? Car, si cette femme a bien avoué et revendiqué son crime, elle n’en réclame pas moins justice. Les victimes ne sont peut-être pas celles désignées comme telles.
Fidèle à la construction du roman, Femmes en colère alterne le récit de l’accusée et les prises de parole des jurés et magistrats. La scénographie d’Edouard Laug fait cohabiter trois lieux sur le plateau. L’avant-scène, matérialisation de la cellule, est dédiée aux aveux douloureux de l’accusée. La salle des délibérations, surélevée par deux marches, prend place en retrait. Enfin, derrière la grande table entourée de neuf chaises, une verrière à quatre panneaux concrétise, en transparence, la salle où les jurés sous tension peuvent s’octroyer une pause.
La mise en scène au cordeau de Stéphane Hillel organise un va et vient dynamique entre les différents espaces. Les enjeux judiciaires sont clairement définis, sans que l’humour, ou l’émotion ne soient oubliés.
Être une victime exemplaire ?
Servie par une distribution impeccable, la pièce de théâtre ne ménage aucun temps mort. Lisa Martino, bouleversante, prend en charge le récit terrible d’un viol. Vulnérable, elle campe une femme meurtrie. Redoutable, elle devient celle qui organise et accomplit une vengeance féroce. Aurait-elle dû être une victime exemplaire, ainsi qu’elle l’envisage à un moment ? Aurait-elle dû s’en remettre à la justice sachant que son sort était presque scellé d’avance ?
Car, cette femme médecin, bien plus que victime est déjà coupable. Elle n’a pas eu « le bon viol » , celui en adéquation avec l’image stéréotypée que l’ « on » s’en fait. Ce n’était pas sur un parking, la nuit, par un inconnu, avec des coups et sous la menace d’une arme. Libre, décomplexée, Mathilde Collignon a utilisé Tinder et s’est rendu chez son agresseur. Parce qu’elle n’est pas une victime honorable, ses mœurs et son indépendance la condamnent. Le jugement paraît sans appel. Pourtant, conservatisme, jugements à l’emporte-pièce et appels à clémence vont s’affronter dans une ambiance bien plus électrique que prévue.
Au cœur des débats Femmes en colère pose la question de la valeur de la parole des femmes sur la scène judiciaire et, sans manichéisme, invite chacun à s’interroger sur l’action de la justice. Jusqu’au « twist » final, qui laisse le spectateur ébahi, l’intérêt ne faiblit pas.
Les LM de M La Scène : LMMMMM
Femmes en colère
Théâtre la Pépinière Jusqu’au 1er avril 2023.
De Mathieu Menegaux et Pierre-Alain Leleu
Mise en scène : Stéphane Hillel
Assistante mise en scène : Elena Terenteva
Scénographie : Edouard Laug
Costumes : Camille Duflos
Lumière : Laurent Béal
Assistant lumière : Didier Brun
Distribution : Lisa Martino, Gilles Kneusé, Hugo Lebreton, Nathalie Boutefeu, Fabrice de la Villehervé, Sophie Artur, Clément Koch, Magali Lange, Aude Thirion, Béatrice Michel
Femmes en colère de Mathieu Menegaux, Editions Grasset, 2021
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