Chaman – de la matière dont les rêves sont faits
Mise en scène Elisabeth Bouchaud, Grigori Manoukov
Théâtre Avignon-Reine Blanche, dans Chaman– de la matière dont les rêves sont faits, Grigori Manoukov porte le conte philosophique imaginé par Elisabeth Bouchaud avec une grande force de conviction. L’acteur d’origine russe subjugue par sa capacité à incarner un guérisseur taraudé par le doute et la foi.
Foi en Dieu, Foi en l’homme
Le conte philosophique imaginé par Elisabeth Bouchaud met en scène un homme qui s’aperçoit, au sortir d’une soirée de beuverie, qu’il possède le don de soulager la douleur, le don de soigner et le don de sauver. Dans la Pologne du XXème siècle, ce guérisseur touche, malgré lui, au mystère de la vie et de la mort.
Taraudé entre le doute et la foi, l’homme, dans un premier temps, semble emporté par une vague qui le submerge. Penché sur le corps de celui ou de celle qui souffre, le « Chaman » perçoit la douleur. Il entre en totale empathie avec l’agonisant et parvient à extraire le mal. Ces moments de grande exaltation, le laissent effaré et pantois. L’intuition seule le guide ainsi que sa foi dans sa capacité à entendre la souffrance pour la guérir.
Scéniquement, une « Gnocienne » d’Eric Satie accompagne ces instants de ferveur mystique. La musique envoutante du compositeur suggère la passion intuitive qui conduit l’acte de guérir. Mais, elle souligne, également, le dialogue que le guérisseur ne peut s’empêcher de maintenir avec Dieu. Lorsqu’un jeune garçon souhaite devenir son disciple, soudainement, la musique qui, le guidait, s’arrête. Le Chaman ne peut transmettre son don.
Elisabeth Bouchaud questionne la difficulté de la transmission quand il y a intuition, notamment, dans l’acte de soigner. Entre foi en Dieu et foi en l’Homme, le personnage semble se résoudre à accepter l’inexplicable. A hauteur d’homme, il choisit de côtoyer le mystère sans le comprendre, d’ouvrir sa porte aux autres hommes, de « faire ce qu’il peut » .
Une véritable incarnation
Élisabeth Bouchaud l’avoue : « je n’avais jamais imaginé de monter ce texte écrit en 2011, car je ne pouvais pas imaginer de comédien prenant en charge ce personnage incroyable et extrême » . Jamais. Avant de voir Grigori Manoukov dans Les Emigrés , la pièce de Slawomir Mrozek, mise en scène par Imer Kutllovci. « Il était le seul comédien, qui, à ma connaissance, pouvait entrer dans ce rôle » ajoute la directrice d’Avignon- Reine Blanche. M La Scène l’avait découvert, aussi, aux Déchargeurs, à Paris, et avait été frappé par l’épaisseur de vérité de son jeu.
Issu du Théâtre d’Art de Moscou, Grigori Manoukov fait sien ce qu’écrivait Constantin Stanislavski dans La Formation de l’acteur . « Il ne s’agit pas d’exprimer uniquement la vie extérieure du personnage. Il faut encore y adapter ses propres qualités humaines, y verser toute son âme. Le but fondamental de notre art est de créer la vie profonde d’un être humain et de l’exprimer sous une forme artistique » . En interprétant ce guérisseur traqué, que le passé vient tourmenter, l’acteur russe attrape le spectateur et ne le lâche plus. Son jeu totalement habité est passionnant à regarder.
Seul en scène, Grigori Manoukov porte avec puissance et fièvre les mots de celui qui a côtoyé le mystère de la vie et de la mort, et qui accepte qu’une part de magie puisse guider ses mains de guérisseur.
Les LM de M La Scène : LMMMMM
ШАМАН (Chaman) – de la matière dont les rêves sont faits
du 7 au 25 juillet – Relâches : 12, 19 juillet
à 18h05
Auteur Elisabeth Bouchaud
- Mise en scène : Elisabeth Bouchaud, Grigori Manoukov
- Interprète(s) : Grigori Manoukov
- Lumières et son : Paul Hourlier
- Décor : Vitali Skvorkin
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