Les Couteaux dans le dos, texte et mise en scène de Pierre Notte, découpent le fil d’un récit initiatique en petites tranches toniques et joyeuses. Servies par cinq actrices pétillantes, elles se dégustent fraîches au Théâtre Les Déchargeurs.
Une épopée facétieuse
Tout débute avec un personnage. Marie, héroïne au prénom biblique, décide de quitter le vide de son existence pour partir explorer le monde dont elle perçoit les possibilités. La jeune fille qui se mutilait, qui se coupait les bras dont elle ne savait quoi faire, entreprend de trancher ce qui la lie à sa famille névrotique. Armée de sa boite de Figolu, elle franchit le pas. Elle sera gardienne de péage, croisera la Grande couseuse, prendra le train des remords, rencontrera, entre autres, Ophélie, Médée, Anne-Marie Stretter, Ibsen, Rilke, dialoguera avec la mort, assistera à un pique-nique parental au-dessus de sa tombe et finira par accepter d’aimer le jeune gardien de phare qui se brûlait les mains.
Comme dans toute épopée initiatique, il est important de découvrir que son pire ennemi est soi-même. Pour que ces jeunes, en mal de liberté et de grâce, puissent déployer leurs ailes, pour éviter que ces ailes ne soient les couteaux dans le dos qui lacèrent l’espoir, Pierre Notte, rappelle qu’il faut prendre le risque d’affronter ses peurs. Avec l’humour qui le caractérise : « Tout dans la vie peut arriver, surtout rien. »
Fantaisie et rythme
Sur le plateau, le dispositif revendique « le rien ». L’espace est nu, noir. Deux portes, au fond, noires. Une table. Six chaises. Mais ce « rien » peut devenir tout. Par l’invention, par la fantaisie, d’abord de la langue audacieuse qui s’empare de l’espace, ensuite, par la présence lumineuse des cinq comédiennes qui la font claquer avec rondeur et énergie.
Les scènes, courtes, s’enchaînent avec rapidité. Les épisodes, les péripéties du voyage initiatique de Marie ne souffrent d’aucun repos. Muriel Gaudin, Caroline Marchetti, Kim Schwarck, Amandine Sroussi, Paola Valentin interprètent une quarantaine de personnages avec vivacité, profondeur et gaieté. Il s’agit de se jouer de la morosité, de la tristesse, des peurs de l’existence, pour, avec « rien » ou le peu qu’on a, créer la légèreté, l’imprévu, le lien. Elles embarquent le spectateur avec panache et le laissent ému et joyeux.
Précipitez-vous au Théâtre Les Déchargeurs pour découvrir Les Couteaux dans le dos de Pierre Notte. Plus que trois dates !
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