L M Un Fils formidable de Shû Matsui

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Un fils formidable, texte et mise en scène de Shû Matsui, au T2G de Gennevilliers, dans le cadre du Festival d’Automne à Paris et des Japonismes 2018, présente une vision inquiétante de la famille japonaise.

« pour moi, la famille est une fiction »

C‘est par ces mots que Shû Matsui définit les liens qui devraient unir une mère à ses enfants. Par la défaillance, par l’absence, par « un jeu de rôles » qui peut déraper à tout moment.

Sur le plateau, la scénographie témoigne de ce dérèglement. Des espaces éclatés cohabitent sans lien apparent. Objets, de bric et de broc, disséminés sans harmonie comme s’ils traduisaient avant même que la pièce ne commence, la perturbation de la famille. Seul un grand drap, blanc et duveteux, semblable au cocon protecteur d’un insecte, étalé par Tadashi, un des fils « formidables », tentera de matérialiser un territoire commun où les espaces et objets seront reliés.

fils formidable
Un fils formidable ©Tsukasa Aoki

Un fils formidable ?

L‘histoire est celle d’un fils reclus dans l’appartement de sa mère. Un fils qui n’a plus de contact avec la réalité et qui s’est inventé un territoire, son royaume, peuplé de peluches. Inhibé, asocial, il règne en tyran sur ses sujets tandis que sa mère, qui entretient son délire, glorifie sa réussite. Le couple mère-fils est  dysfonctionnel au point qu’elle se précipite vers lui lorsqu’elle le trouve en train de se masturber pour le soulager. Acte qu’il acceptait avant mais qu’il rejette maintenant, animé par son désir d’une « reine » autre que sa mère.

Tadashi, n’est pas la seule figure de « fils formidable ». Un frère et une sœur, orphelins et incestueux, sont admis dans le territoire. Le frère, lui aussi asocial, est un assassin en puissance et un fils perdu. Il agresse une voisine qui s’est inventée également un fils formidable pour qui elle fait, jour et nuit, la lessive.

Alors, un autre couple mère-fils se crée. L’agresseur prend la place de l’enfant fantasmé. Sur scène, l’image finale, choc, fait sens. La mère, dans un fauteuil roulant, un poignard enfoncé dans le ventre, qu’elle ne peut ôter sous peine de mourir, est reliée par transfusion à son nouveau fils. Couple malsain, destructeur, démentiel, qui survit pourtant par leur folie partagée et par ce cordon sanglant.

Le Japon: le père absent ?

Un Fils formidable de Shû Matsui frappe par la noirceur et l’ironie du portrait dressé de la famille japonaise privée de père. Faut-il y voir la volonté de dire la folie qui gagne ces fils japonais amputés des repères qui les faisaient avancer ? Après avoir découvert les fragilités de l’Empire, les mensonges de l’après Fukushima, les fils semblent orphelins de père.

Un fils formidable traduit cette noire désespérance par l’aliénation qui saisit tous les membres de la famille. Désormais, des bannières multicolore, des drapeaux, se hissent dans la chambre du fils et occultent celle du « Pays du soleil levant ». Où est le père? Où est le soleil? Où est l’emblème du Japon?

Un fils formidable
Un fils formidable (c)M La Scène

https://www.theatre2gennevilliers.com/

Japonismes 2018  Autre critique M La Scène

 

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