Critique Le Bruit des arbres qui tombent

mise en scène Nathalie Béasse

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LM M Le Bruit des arbres qui tombent de Nathalie Béasse

La matière sonore de l’imaginaire

Au Théâtre de la BastilleLe Bruit des arbres qui tombent, la dernière pièce de Nathalie Béasse, propose une réflexion sur l’image, celle qui entre en résonance avec l’imaginaire. La matière, source bruyante et murmurante, est manipulée par quatre acteurs, une femme ( Estelle Delcambre) et trois hommes ( Karim Fatihi, Erik Gerken, Clément Goupille), afin d’en faire naître les échos qui touchent. 

La scène s’ouvre sur une immense bâche bruissante, mouvante, actionnée par les comédiens. Elle se dresse, se couche, s’agite par vagues sur le quatrième mouvement de la Cinquième symphonie de Gustav MAHLER, musique mémorable du film de Visconti Mort à Venise  Cette ouverture se fixe dans le temps et fournit à l’esprit l’espace pour s’échapper et se réapproprier l’instant par la rêverie. 
Suivront les bruits sourds de la terre qu’on jette sur le plateau, les claquements des voiles qui gonflent sous le vent, la chute anarchique des pierres, le lent écoulement de l’eau sur un visage, la gifle sifflante des chemises qu’on lance pour espérer encore que la vie puisse les habiter et qu’elles ne touchent le sol. Car, où sont les hommes qui les ont portées? Tombés. Oubliés. A n’en pas douter. L’ocre rouge de la matière terreuse sur le plateau est là pour nous le rappeler. 
Mlascène
Le Bruit des arbres qui tombent @Nathalie Béasse

Danser le fol espoir des hommes

Sur scène, un quatuor relève le défi de faire exister l’humanité chancelante. C’est par la danse, le rythme, que le chœur fait entend sa voix. Pas frappés, repris jusqu’à l’épuisement, qui portent avec force le souffle tenu d’une volonté de vivre. Glissades ludiques pour redire la gaieté d’être là, ensemble. Duo  fragile, en équilibre, épinglé sur le mur ou solidaire, pour parvenir à marcher. La danse parvient à exprimer le fol espoir des hommes qui tentent d’avancer alors que le bruit des arbres qui tombent devrait les pétrifier d’effroi. 

 La réussite de Nathalie Béasse tient à cet univers visuel qui se nourrit du sonore pour donner à voir  joyeusement le tragique. On regrettera juste que la mise en place de la parole et des textes choisis ne parvienne pas à s’intégrer plus aisément. Ce que la matière et la danse imposent spontanément, dans leur absolue évidence, la voix humaine, artificiellement installée, échoue à le poursuivre. Même si l’on comprend la tentation de recréer une communauté qui brise les frontières et fasse entendre les langues d’une humanité d’après Babel qui remonte aux âges les plus anciens et les plus sacrés; la parole, ici, nuit à l’écoute du craquement de l’émotion. Celle que procure les images qui se jouent du silence.

 

http://www.theatre-bastille.com/saison-17-18/les-spectacles/le-bruit-des-arbres-qui-tombent

 

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