L MM Trois Sacres Chorégraphie de Sylvain Groud
« Trois Sacres »: un parti-pris courageux
S’attaquer au mythique « Sacre du printemps » avec pour seuls interprètes, un danseur et une comédienne, relève du défi. C’est pourtant le choix courageux que fait Sylvain Groud au 13ème Art. Accompagné de l’actrice Bérénice Bejo, il propose « Trois Sacres », un triptyque qui interroge le désir charnel. Soutenues par la musique tellurique d’Igor Stravinski, les trois pièces chorégraphiques entrecoupées de passages plus théâtralisés, détournent la thématique ancestrale du sacrifice, celle d’une fête barbare et païenne où il s’agit, pour toute une communauté, d’offrir l’un de ses membres à la nature toute-puissante pour s’en concilier les faveurs. Sur le plateau, c’est l’homme qui devient l’objet du désir féminin. Il est l’Élu, l’élu d’un amour essentiel, organique, que seuls les corps pourraient comprendre et magnifier.
Un duo étonnant
Sylvain Groud, directeur artistique de la Compagnie MAD, ancien danseur d’Angelin Preljocaj – dont M La Scène avait adoré « Le Sacre du printemps » – en choisissant pour partenaire la comédienne Bérénice Bejo questionne également l’altérité. Le corps du danseur aguerri et souple copie les gestes anodins du quotidien de la non-danseuse pour l’attirer avec virtuosité dans une sphère plus inconfortable pour elle : celle de la danse contemporaine. Il s’agit alors d’explorer un lieu où les résistances et les peurs s’atténueraient pour, ensemble, découvrir ce qui rapproche et fusionne.
Bérénice Bejo ne démérite pas dans ce face à face étonnant. Elle avance sur scène vers la fraîcheur des premiers pas calquant sa gestuelle souple sur celle de l’homme qui la guide et l’enveloppe de ses bras. La rencontre des deux artistes avait eu lieu sur le tournage de « The Artist » réalisé par Michel Hazanavicius dans lequel Sylvain Groud devait créer une scène dansée, finalement coupée au montage. « Trois Sacres » est donc aussi l’aboutissement d’un désir, celui de se retrouver autour d’un projet commun.
Un final inégal
Ceinturé par trois rangées de projecteurs, le plateau devient vite l’espace où un homme, seul, qui courait jusqu’à l’épuisement dans le vide et sans avancer, fait l’expérience de la rencontre amoureuse et du mouvement qui va vers l’autre, inexorablement. Trois sacres, trois états. Corps qui se familiarisent, qui se cherchent, et s’attirent dans la violence d’une pulsion dévorante, exténuante mais assumée.
Au dernier acte, dans un rectangle rouge, piste de danse d’une discothèque, le couple accepte l’attraction première et fusionne. Puis, la femme part. Sylvain Groud, alors, prisonnier d’un espace lumineux qui s’amoindrit, danse sa solitude exacerbée par l’absence de l’autre jusqu’à l’épuisement. Ce sont les mots désirants dits par Bérénice Bejo qui reformeront le couple.
On regrettera cependant que dans ce final, le rôle de la comédienne soit si ténu. Elle erre sur la plateau, se pose dans les faisceaux des projecteurs qui s’allument aléatoirement tandis que le danseur mène un âpre combat gestuel, avec l’amour qui le consume. La présence charnelle féminine aurait demandé un travail scénographique plus abouti.
Le 13ème Art
Du vendredi 23 février au dimanche 4 mars 2018
Chorégraphie Sylvain Groud / Interprétation Bérénice Bejo et Sylvain Groud Musique Le Sacre du Printemps, Igor Stravinski
Libres adaptations de textes choisis: Anne Bert, L’Eau à la bouche, Éditions Numeriklivres, Françoise Simpère, Des Désirs et des hommes, Éditions Blanche Olivier et Christine Walter, La Divine Primitive, Éditions Unicités Création lumière Michaël Dez