LMM Joueurs de Julien Gosselin

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Présentée au Festival d’Avignon l’été dernier, Joueurs, ouvre la trilogie de Julien Gosselin sur l’oeuvre de Don Delillo. Mao II et Les Noms en sont les deux volets suivants. Plus de neuf heures de spectacle pour interroger « l’histoire intime de décennies de violences politiques ».

Joueurs : l’EFFACEMENT des repères

Littérature. Cinéma. Théâtre. Julien Gosselin brouille, transgresse les frontières. Joueurs, c’est d’abord un texte. Le roman de l’écrivain américain, Don Delillo, traduit par Marianne Véron, raconte la vie d’un couple new-yorkais ordinaire dans les années 70. Entre travail et dîner entre amis, l’homme et la femme ne partagent plus grand chose. La deuxième télévision a remplacé l’enfant qu’il n’auront jamais. Témoin d’un meurtre à la Bourse où il travaille, l’homme, fasciné par la violence de cet acte en arrive à frayer avec des terroristes qui envisagent un attentat. 

Repères moraux brouillés. Repères scéniques transgressés. Dans Joueurs, Julien Gosselin teste les limites du théâtre. Sur le plateau, un grand mur sépare la scène de la salle, occultant tout ce qui se passe derrière. Sur ce panneau, trois écrans sont accrochés. Un face, le plus grand et deux latéraux. C’est sur ces écrans que le spectateur voit ce qui se joue et ce qui est filmé, en direct, à l’arrière. Au fil des trois heures de spectacle, certains pans du mur, sont ôtés, laissant progressivement à vue les espaces qui étaient cachés. Mais, l’écran central continue de proposer, d’imposer, la vision du metteur en scène comme le ferait un réalisateur de film.

Joueurs
(c) Christophe Raynaud de Lage

VIRTUOSITÉ DE LA MISE EN SCÈNE

La frontière poreuse entre film et représentation est exacerbée dans Joueurs. Réussite et frustration sont les mots qui en découlent. La réussite technique est indéniable. Le jeu des acteurs, leurs déplacements, l’utilisation du décor et des accessoires dans les différents espaces, les effets, la musique live par trois musiciens, l’ensemble saisi en direct par la caméra, constitue une prouesse technique. Le montage fait en régie, dans la salle, propulse le spectateur dans une esthétique cinématographique mais qui serait dépassée par les sensations que procure l’instant vécu. Odeur de joint, de cigarettes, stries de lumière qui traversent le mur et acteurs qui sortent de la toile pour avancer à jardin et doubler l’image par leurs présences menaçantes.

La mise en scène de Julien Gosselin  frappe par sa grande virtuosité. Cependant, elle pose également la question du fragile équilibre à trouver entre vidéo et plateau.

Miser sur les acteurs

La redondance de certaines scènes (par exemple, celles du contact de Lyle avec l’agent du gouvernement ), comme le temps, très long, où les acteurs sont relégués derrière l’écran, pèse sur le spectateur qui aspire à une présence en acte, sans filtre, sans distanciation imposée. Passée l’admiration, la frustration naît. On accueille ainsi avec bonheur le dialogue en avant-scène entre l’activiste et son ancien professeur d’université. Victoria Quesnel y est particulièrement convaincante

Les acteurs de la Compagnie Si vous pouvez léchez mon cœur partagent les dangers du plateau avec les cameramans. Ils portent la pièce avec exaltation et détermination. Leur force vive alimente la tension. Il est dommage que la projection sur écran, sur la longueur, les tienne à distance, voire les écrase.

Jouée jusqu’au 22 décembre aux Ateliers Berthier. Odéon.

intégrale des trois spectacles le week-end
Joueurs le mardi
Mao II le mercredi
Les Noms le jeudi

avec Rémi Alexandre, Guillaume Bachelé, Adama Diop, Joseph Drouet, Denis Eyriey, Antoine Ferron, Noémie Gantier, Carine Goron, Alexandre Lecroc-Lecerf, Frédéric Leidgens, Caroline Mounier, Victoria Quesnel, Maxence Vandevelde

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