J’ai rencontré Dieu sur Facebook : deuxième volet de la trilogie d’Ahmed Madani sur le destin de la jeunesse des quartiers populaires, au 11 Gilgamesh Belleville, montre et démonte, avec force et humour, les mécanismes redoutables de la radicalisation.
Critique J'ai rencontré Dieu sur Facebook
Facebook, le faux profil de Dieu
Après F(l)ammes, où il s’agissait de porter haut et clair, la réalité trop souvent invisible des jeunes femmes des quartiers populaires, Ahmed Madani poursuit sa réflexion sur la jeunesse. Il interroge le présent et l’avenir de ces jeunes dont les parents ont vécu l’exil, en inscrivant ce questionnement dans une perspective mémorielle et historique. Il s’agit de comprendre comment une jeunesse en quête de spiritualité, happée par les mécanismes de manipulation à l’oeuvre sur les réseaux sociaux, peut suivre la voie du fanatisme religieux.
Nina, l’héroïne de la pièce, ( impressionnante Louise Legendre) est une jeune collégienne brillante qui pratique avec joie le violon. A Sevran, elle vit avec sa mère ( Mounira Barbouch), enseignante d’origine algérienne. Celle-ci s’est émancipée de la tradition incarnée par sa propre mère pour revendiquer sa liberté. Une relation fusionnelle unit la fille à la mère. A la suite d’un drame, la mort de la meilleure amie de Nina, la jeune fille, fragilisée, devient la proie d’un prédateur radicalisé. Alors, comme le précise Ahmed Madani, Nina, « en rupture par rapport à sa mère, va essayer de retrouver au travers du magnifique chevalier qu’elle rencontre sur les réseaux sociaux, la tradition, la religion, la foi, et d’une certaine manière, le rattachement aux racines familiales. »
Prédation et vulnérabilité
La scénographie va au plus simple. Trois panneaux blancs en fond de scène dont un qui fait office d’écran central. La figure du « djihadiste » s’y projettera en gros plan. Une petite table. Et un ordinateur. C’est dans la simplicité de cet intérieur stylisé que naissent la prédation et la vulnérabilité.
La pièce « J’ai rencontré Dieu sur Facebook« s’organise en deux temps. Le premier, « le lavage de cerveau » de Nina, saisit d’effroi. Le monologue illuminé de la jeune fille porté avec force par Louise Legendre, en est l’acmé. Le second, met en lumière l’itinéraire pitoyable du manipulateur ( Valentin Madani, criant de vérité) en démontant par l’humour, les faux semblants et l’hypocrisie de ceux qui se forgent un profil religieux pour instrumentaliser d’autres jeunes.
« J’ai rencontré Dieu sur Facebook », outre ses qualités de jeu et d’écriture, possède de remarquables vertus pédagogiques. Ahmed Madani souhaitait adresser son oeuvre en direction de la jeunesse. C’est une réussite.
Festival #OFF19 au 11 Gilgamesh Belleville à 11h50
Texte et mise en scène Ahmed Madani
Assistant à la mise en scène Valentin Madani
Avec Mounira Barbouch, Louise Legendre, Valentin Madani
Création sonore Christophe Séchet
Création lumière et régie générale Damien Klein
Costumes Pascale Barré
Photos François-Louis Athènas
Festival d’Avignon #OFF19 : lire une autre critique théâtrale de M La Scène