Critique Wonnangatta
Mise en scène Jacques Vincey

Aux Plateaux sauvages, Wonnangatta, la nouvelle création de Jacques Vincey, met en scène un face à face puissant au cœur d’une nature hostile. Soutenue par deux grands acteurs, Serge Hazanavicius et Vincent Winterhalter, l’écriture âpre et ardente d’Angus Cérini, traduite en français par Dominique Hollier, se déploie comme un souffle rugueux, à l’assaut d’une vérité qui n’existe pas.
Le souffle épique de Wonnangatta
La pièce Wonnangatta s’inspire d’un fait divers qui hante encore la mémoire collective australienne : un double meurtre jamais élucidé survenu en 1917, dans une région sauvage du bush, près de Victoria. Jim Barclay, éleveur isolé dans cette vallée difficile d’accès, est retrouvé mort par son ami Harry, venu comme chaque mois lui livrer du courrier. Accompagné de Riggall, un compagnon de route appelé à l’aide, Harry découvre le corps de Jim à moitié enseveli au bord d’une rivière, la tête rongée par les chiens errants. Il s’agit alors de trouver un coupable. Ce décor brutal et reculé devient le théâtre d’une enquête aussi étrange qu’angoissante.



Un duo la hauteur du texte
Les lumières inspirantes de Caty Olive accompagnent la traversée houleuse des deux hommes et construisent les différents tableaux de leur épopée. Souvent crépusculaires, brumeuses, ou plus chatoyantes, elles oscillent du gris à l’orangé. Elles participent, comme la musique et la bande son (Alexandre Meyer) à faire exister la nature sauvage et menaçante. Le brouillard, le vent, le chant des oiseaux, le bourdonnement des mouches, ainsi que les hurlements des loups, tout concourt à donner une épaisseur à une nature partie prenante de l’aventure vécue.
Au coeur du plateau jonché de pavés disjoints et du monde chaotique qu’ils font vivre, les deux comédiens Serge Hazanavicius et Vincent Winterhalter impressionnent. Le texte millimétré d’Angus Cérini, traduit par Dominique Hollier, où chaque mot ou intonation, comme dans une partie de ping pong, répond à un autre, est d’une exigence rare. Serge Hazanavicius et Vincent Winterhalter relèvent le défi haut la main. A l’intensité de porter le texte et d’en restituer la poésie et la puissance, se mêle l’engagement physique.
Wonnangatta commence dans un espace contraint, dans lequel les comédiens paraissent figés. Mais, très vite, l’enquête, la marche, la soif de vengeance, l’errance, leur chevauchée ( non dénuée d’humour, mimée à la Monty Python ), bouleversent ce qui était immobile. La confrontation avec les éléments prend une réalité concrète sur scène. Les cubes mouvants, instables, constituent, on le sent, un réel danger. Alors même que les acteurs les manipulent, les escaladent, rampent, ou s’arrachent de leur gangue grise. Cette grande présence au jeu installe avec force une belle complicité entre les deux comédiens.
Dans Wonnangatta, Jacques Vincey signe une mise en scène épurée et tendue, qui laisse toute sa place à la puissance du texte et au jeu des comédiens.
Les LM de M La Scène : LMMMMM
Retrouvez prochainement notre Interview Exclusive de Jacques Vincey sur le Plateau des Espaces Sauvages

Wonnangatta
Texte Angus Cerini
Mise en scène Jacques Vincey
Avec Serge Hazanavicius et Vincent Winterhalter
Traduction Dominique Hollier.
Collaboration artistique Céline Gaudier;
Scénographie Caty Olive et Jacques Vincey.
Création lumière Caty Olive, Création musicale Alexandre Meyer.
Costumes Anaïs Romand.
Regard chorégraphique Stefany Ganachaud.
Régie générale Sébastien Mathé; Régie son Maël Fusillier; Régie lumière Thomas Cany.
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