Critique théâtre Le Nouvel homme

Conception Collectif De Hoe

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Critique théâtre le Nouvel homme

Au Théâtre de la Bastille, Le Nouvel homme, la création du collectif flamand De Hoe, imagine la rencontre, vingt ans après, entre l’homme et la femme qui s’étaient aimés dans un précédent spectacle, L’Homme au crâne rasé. Une attraction puissante relie encore ces deux êtres. Mais, l’adhésion de la femme au parti d’extrême droite italien, Lega Nord, rebat les cartes. À la parole, volubile, habile, facétieuse, revient le rôle de révéler alors, ce qui se joue sous notre regard.

La question du regard

Tout commence dans le noir. Seules les voix des deux personnages nous parviennent. Celles d’un homme et d’une femme. Ils ne voient rien. Ensemble, ils cherchent leur chemin. Mêlant déjà, la fiction et la réalité, avec une dérision assumée qui provoque le rire. « Il faudrait monter sur le plateau. »  « Il n’y a pas d’éclairage ?  »  « D’où venons nous ? » …  » Ta gauche ou ta gauche par rapport à moi ?  »   » C’est quoi ta droite pour toi ? »… 

Lorsque la lumière se fait, ils découvrent un décor qui leur semble étranger, mais qu’ils connaissent déjà. Une rangée de tables carrées, recouvertes de nappes blanches occupent le fond de scène. Quelques chaises forment une petite pyramide, près des tables, au centre. Une diagonale de sept néons surplombe l’ensemble. D’autres néons, acérés, posés sur un coin de nappe, s’apparente à une installation qui s’allumera par instants. Accroché sur le mur noir, un petit écran projette une phrase en italien :  » Stiamo aspettando ulteriori informazioni » . Clin d’oeil aux spectateurs qui, nous aussi,  » Attendons de plus amples informations » . Côté cour, trône une grande machine à café. Les personnages se retrouvent, par le pouvoir de l’évocation,  à l’endroit où ils se sont rencontrés, jadis.

Vingt ans auparavant, Natali ( Natali Broods) et Peter ( Peter Van den Eede) se sont croisés en Italie et se sont aimés d’un amour farouche et destructeur. L’un était le professeur de l’autre. L’art était au centre de leur passion commune. Mais, le temps a passé. Natali, maintenant mariée et mère de quatre enfants, a décidé de s’émanciper totalement, dit-elle, de ce passé prégnant. Elle a adhéré au parti d’extrême droite italien auquel appartient son mari, un « spin doctor » de  Lega Nord. Le Nouvel homme, c’est lui. Un conseiller en communication, expert en construction et manipulation d’images.

Le « vrai » et le « faux »

Sur scène, ils sont désormais trois. Le couple des anciens amants est sous le regard du mari, assis souvent au lointain.  Et sous celui des spectateurs.  Le collectif De Hoe ne cesse de poser la question de ce que l’on voit, de ce que l’on regarde. La mise en abîme est volontairement soulignée dans les paroles. Être dans l’image, fabriquer une image, est interrogé sur le plateau, souvent de façon facétieuse. L’actrice ( Natali Broods) incarne Natali, une comédienne. Acteurs et personnages se confondent. Celle-ci, qui s’est engagée en politique à droite, incarne maintenant dans une série, une comédienne qui fait ses débuts en politique dans un parti extrémiste. Son rôle dans la série lui permet de prendre des positions tranchées qu’elle n’ose pas encore afficher dans la « vraie »  vie.

L’authentique utilise le falsifié pour se fortifier. Le mari est lui aussi un communiquant dont le métier est de manipuler le regard. Son but, ainsi qu’il l’avoue en regardant la salle, est de changer le spectateur en électeur. Peter Van den Eede le rappelle : « Sans le regard, on n’existe pas. C’est à grâce à ça qu’on peut exister, qu’on est quelqu’un. On peut aussi manipuler le regard. C’est ce que font les populistes. Il faut être très prudents par rapport à ça.  Car, ça va très vite.  »  Les frontières entre le « vrai » et le « faux »  se brouillent facilement.

Les personnages se sont-ils vraiment rencontrés par hasard ? Les images postées régulièrement sur Facebook par Natali n’ont pas vraiment coupé le lien et sont autant d’invitations à la regarder. Autant d’occasion de se poser sous le regard de celui qu’elle a follement aimé et de solliciter le désir de son ancien amant. Sur le plateau, une très belle scène a lieu. Natali et Peter, face à face, les bouches à quelques centimètres l’une de l’autre, sans se toucher, parlent de la force du regard, sensuel, troublant, qui dénude les corps et chavire les âmes. La puissance de l’amour abolit alors les faux semblants.


Le Nouvel homme du collectif flamand De Hoe fait l’ouverture de la saison au Théâtre de la Bastille, sous la nouvelle direction de Claire Dupont. Avec une volubile légèreté, Natali Broods et Peter Van den Eede, accompagnés par Nico Sturm, posent sans équivoque le langage, le dialogue, comme une force, qui permet de rapprocher ceux qui ne se comprennent pas. 

Les LM de M La Scène : LMMMMM


Après le spectacle, les entretiens de M La Scène : Peter Van den Eede, Natali Broods


Le Nouvel homme

Théâtre de la Bastille

Du 14 au 29 septembre

Texte Peter Van den Eede, Natali Broods et Willem de Wolf

Avec Natali Broods, Peter Van den Eede et Nico Sturm

Régie et son Bram De Vreese et Shane Van Laer

Traductrice et coach linguistique Martine Bom


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