Critique Ressources humaines
mise en scène Élise Noiraud
Elise Noiraud propose dans Ressources humaines une adaptation théâtrale particulièrement efficace du film éponyme de Laurent Cantet. La vivacité de la mise en scène installe l’avancée du drame humain qui semble inexorable.
S’attacher à l’humain
13 juin 1998, la loi dite « Aubry I » fixe la durée légale du travail à 35 heures hebdomadaires. Elle doit s’appliquer au 1er janvier 2000 pour les entreprises de plus de 20 salariés et au 1er janvier 2002 pour les autres. Le film de Laurent Cantet, Ressources humaines, dont la pièce est l’adaptation théâtrale, se situait à ce moment historique.
Après avoir obtenu son diplôme d’une prestigieuse école de commerce parisienne, le héros, Franck Verdot, retourne dans sa région natale afin d’y effectuer un stage. Il a choisi l’usine où son père travaille depuis trente ans et où sa sœur est employée également. Cherchant à bien faire, à intégrer les salariés dans la vie de l’usine et à apaiser les tensions avec la déléguée syndicale CGT, Franck décide de distribuer un questionnaire sur le passage aux 35 heures à chaque employé. Cette initiative, saluée par le patron de l’usine, se retourne contre les salariés. Une lettre interne, trouvée par hasard, apprend à Franck que plusieurs d’entre eux vont être licenciés, dont son propre père. Pour ce brillant étudiant, transfuge social, la trahison est double. Traître à ses origines sociales, il vient de trahir ceux qui lui avaient fait confiance. La colère remplace alors la honte.
Les Fils de la Terre était l’adaptation du film documentaire d’Edouard Bergeon, sur la rude situation d’une famille d’agriculteurs. Dans Ressources Humaines, Elise Noiraud s’attache à éclairer les enjeux individuels et collectifs liés au passage aux 35 heures dans une usine. A chaque fois, le dilemme crucial d’un fils, face à l’inhumanité des exigences sociales et politiques, est au cœur de la tension dramatique.
La justesse des comédiens
Le plateau est volontairement dépouillé. Quelques chaises et tables, sans style, communes à toute entreprise, sont remisées au lointain. Ces éléments de décor, maniés à vue avec rapidité, concrétisent au fil des scènes la cuisine familiale, le bureau des ressources humaines, une table de négociation. Mais, l’espace prend vie essentiellement par la mise en scène et la précision du travail sur la lumière (Philippe Sazerat) et les sons (Baptiste Ribrault). L’usine, la boite de nuit de province, etc, chaque lieu existe, circonscrit par une ambiance lumineuse et sonore évocatrice.
La mise en scène précise d’Elise Noiraud s’appuie sur la justesse de jeu des comédiens (Benjamin Brenière, François Brunet, Sandrine Deschamps, Julie Deyre, Sylvain Porcher, Vincent Remoissenet et Guy Vouillot). La distribution était déjà quasiment la même pour Les Fils de la Terre. Le dilemme de Franck ( Benjamin Brenière) se manifeste avec une clarté poignante, parfois brutale. La scène où sa colère éclate contre son père (François Brunet), silencieux et résigné, reste en mémoire. L’homme vieillissant, qui se sait licencié, continue, tête baissée, son ouvrage sur son poste de travail, tandis que son fils lui fait honte.
Ressources humaines, adapté et mis en scène par Élise Noiraud ne déçoit pas et rappelle comme le faisait Laurent Cantet, dans son film, que le profit et l’appât du gain se font trop souvent au détriment de la dignité humaine.
Les LM de M La Scène : LMMMMM
Ressources Humaines
Adaptation et mise en scène : Elise Noiraud
Avec : Benjamin Brenière, François Brunet, Sandrine Deschamps, Julie Deyre, Sylvain Porcher, Vincent Remoissenet, Guy Vouillot
Création lumières : Philippe Sazerat
Création sonore : Baptiste Ribrault
Régie générale : Lison Foulou
Costumes : Mélisande De Serres
Compagnie 28
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