Critique Lumen
Concept et chorégraphie Jasmine Morand
Lumen de Jasmine Morand étonne par son parti-pris exigeant. La pièce chorégraphique pour treize danseurs plonge le spectateur au coeur d’une vision kaléidoscopique où les corps se réfractent dans un miroir géant.
De la pénombre à la lumière
Lumen commence dans le noir total. Seul l’univers sonore, sourd et inquiétant, conçu par Dragos Tara accompagne la nuit qui a envahi le plateau. Bientôt dans la boite noire, des taches fugaces de lumière apparaissent faisant exister pour un bref moment des fragments de corps. Des bras, des mains, des pieds, se discernent. Etrangement, ces morceaux corporels paraissent suspendus dans l’air. Echappant à la pesanteur, ils semblent flotter dans l’air, sans que le regard ne puisse encore percevoir le mécanisme du dispositif qui le permet.
Le moment s’étire. Certains diront un peu trop longtemps. Puis, lentement, l’éclairage laisse entrevoir un lacis de corps qui se déploie en hauteur. Par un jeu de miroir et de plan incliné, les danseurs au sol, sur le plateau, sont à peine visibles. Leur image projetée devient la réalité regardée. Le reflet devient présence. Comme dans kaléidoscope géant, les formes se meuvent, créant des figures au multiples combinaisons. Losanges, diagonales, les trajectoires se déploient, comme si les êtres qui habitaient la pénombre souhaitaient se hisser vers le ciel. Ascensions, chutes, se succèdent dans un continuum hypnotique.
Mutations étranges
Pourtant, lentement, les formes mouvantes, larvaires, animales, primaires, vont se hisser vers la lumière. S’effectue alors, un basculement saisissant. La réalité du plateau reprend ses droits. Les treize danseurs deviennent visibles, dressés dans leur individualité humaine, tandis que leur reflet toujours présent perd sa force. Les interprètes se métamorphosent. Tels des insectes, qui le feraient de leurs carapaces, ils se défont de leurs costumes noirs, pour laisser apparaître un haut blanc.
Pour un renversement du monde, un renversement de la vision et de l’espace habité, le plateau, surélevé par rapport à la scène, s’incline. Le groupe des treize danseurs entame alors un lent déplacement dont l’acmé est la confrontation avec la puissance frontale d’une rangée de projecteurs. L’épreuve est partagée par le spectateur qui fait, dans le même temps que les interprètes, l’expérience du face à face aveuglant avec l’extrême lumière et celle de l’éblouissement.
S’appuyant sur l’éclairage sensible et inspirant de Rainer Ludwig, Lumen de la chorégraphe Jasmine Morand est une invitation à se laisser happer par un univers où le regard échappe à l’attendu.
Les LM de M La Scène : LMMMMM
Lumen
Spectacle vu au THÉÂTRE PAUL ELUARD, BEZONS
11 AU 14 JANVIER 2023 THÉÂTRE DE LA VILLE PARIS ( Abbesses)
Concept et chorégraphie : JASMINE MORAND Assistants : FABIO BERGAMASCHI, CLAIRE DESSIMOZ
Danse et collaboration chorégraphique (En alternance) :
FABIO BERGAMASCHI, LOUIS BOURREL, SARAH BUCHER, TOMMY CATTIN, CLAIRE DESSIMOZ, AUDREY DIONIS, ELÉONORE HEINIGER, ANNE-CHARLOTTE HUBER, KRASSEN KRASTEV, ISMAEL OIARTZABAL, VALENTINE PALEY, ANGELA RABAGLIO, SIMON RAMSEIER, AMAURY REOT, NICOLAS TURICCHIA, , LUISA SCHÖFER, MARCO VOLTA
Scénographie : NEDA LONCAREVIC
Musique : DRAGOS TARA
Création lumière : RAINER LUDWIG CRÉATION Costumes : TONI TEIXEIRA
Coordination technique : CECILE ROBIN
Régie lumière et son : LOUIS RIONDEL, JULIEN PERRET, HERVÉ JABVENEAU, SEBASTIEN GRAZ, ANTOINE MOZER
Lauréate du concours Label+ romand – arts de la scène et du Prix suisse des arts de la scène – OFC
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