
Lauréate du Molière de la comédie en 2017, Bigre revient au Théâtre de l’Atelier avec le même éclat, la même folie douce. Pierre Guillois, Agathe L’Huillier et Olivier Martin-Salvan dynamisent le rire en le tissant d’émotion pure. Leur comédie muette, à la fois délirante et bouleversante, transforme le quotidien en un ballet de désastres poétiques. On rit aux éclats, on est ému.
Bigre ! Quel chaos sublime cette condition humaine !
Sous les toits de Paris, trois petites chambres de bonnes se partagent un couloir étroit. Une antenne de télévision et une cheminée surplombent le tout. Dans ces mansardes exiguës, trois êtres cohabitent tant bien de mal. Ils s’y croisent, se heurtent, se manquent, s’attachent. Un homme ventru et maniaque (Olivier Martin-Salvan), un grand maigre cocasse (Pierre Guillois), et une blonde rêveuse (Agathe L’Huillier) forment un trio d’inadaptés que la vie n’a pas vraiment gâtés.
La personnalité de chacun définit le décor de leur humble habitat. L’un est d’un blanc immaculé. La domotique y règne en presque maître. L’autre, à l’image de son locataire extravagant, est surchargé d’objets. Le troisième, bonbonnière rosée, accueille la dernière arrivée. Leur voisinage pourrait être ordinaire, s’il ne tournait pas sans cesse à la catastrophe. Malgré eux, ces trois anonymes génèrent un vacarme d’enfer.
Co-écrit et interprété par Pierre Guillois, Agathe L’Huillier et Olivier Martin-Salvan, Bigre déploie une mécanique du désastre d’une inventivité rare. Les objets volent, les corps s’entrechoquent, les tuyaux éclatent, les flammes jaillissent. Le quotidien devient un champ de bataille hilarant. Pierre Guillois orchestre ce grand bazar avec une précision de funambule et un sens du rythme qui tient du dessin animé. Tout semble, à tout moment, prêt à s’effondrer, sauf le rire alimenté par les gags nombreux et les trouvailles visuelles.

Derrière le rire, une tendre mélancolie
Aucun mot ne s’inscrit dans un dialogue. La comédie est muette. Cependant, comme dans un cartoon, des cris, des onomatopées, échappent parfois aux protagonistes face aux situations extrêmes qu’ils sont amenés à vivre. Le spectacle s’appuie sur un langage du corps visuellement ciselé, une gestuelle parfaitement maîtrisée, des sons et des silences qui participent au climat loufoque déployé sur scène.
Dans la lignée de Charlie Chaplin, Buster Keaton, Laurel et Hardy ( que le physique de Pierre Guillois et Olivier Martin-Salvan évoque forcément) ou Jérôme Deschamps, Bigre allie burlesque et poésie pour raconter la misère moderne avec une justesse bouleversante.
Car, derrière la farce, affleure une douce mélancolie. Ces trois êtres maladroits s’accrochent à ce qu’ils peuvent. Un geste tendre, un rêve, un peu de chaleur pour ne pas sombrer tout à fait. Bigre rit du désastre, mais célèbre surtout la persévérance de ceux qui, malgré tout, continuent d’y croire. Dans ce chahut tendre et cruel, se glisse une humanité désarmante. Une des dernières péripéties, sans vouloir la divulgâcher, a quelque chose de tchekhovien. On ne peut s’empêcher de penser au retour de Nina dans La Mouette.
Entre burlesque muet, catastrophes en chaîne et tendresse à fleur de peau, Bigre de Pierre Guillois transforme la débâcle du quotidien en un éclat de rire étonnant. Un bijou de théâtre visuel, à la fois délirant et profondément humain.
L’Avis de M La Scène : MMMMM
Bigre
Un spectacle de Pierre Guillois
Co-écrit avec Agathe L’Huillier et Olivier Martin-Salvan
Distribution
Pierre Guillois ou Bruno Fleury
Agathe L’Huillier ou Éléonore Auzou-Connes ou Anne Cressent.
Jonathan Pinto-Rocha ou Olivier Martin-Salvan ouPierre Delage.
Assistant artistique Robin Causse.
Costumes Axel Aust.
Décor Laura Léonard.
Lumières Marie-Hélène Pinon et David Carreira.
Coiffures / maquillage Catherine Saint-Sever.
Son Roland Auffret, Loïc Le Cadre.
Effets spéciaux Abdul Alafrez. Ludovic Perché, Judith Dubois, Guillaume Junot.
Construction décor Atelier Jipanco et l’équipe technique du Quartz, Scène nationale de Brest.
Direction technique Colin Plancher.
Assistanat direction technique Emilie Poitaux
Régie générale et lumières Cécile Robin ou Xavier Carré-Laubigeau ou Sébastien Vergnaud (en alternance).
>Régie générale plateau Cyril Chardonnet ou Nicolas Pautrat.
>Régie plateau Marion Le Roy ou Emilie Poitaux ou Fanny Rouyé ou Lorraine Kerlo-Auregan ou Allounny Kensy (en alternance).
>Régie son Loïc Le Cadre en alternance avec Clément Lopez.