Critique Dracula Lucy’s dream

Mise en scène  Yngvild Aspeli

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Dracula Lucy’s dream de Yngvild Aspeli est d’une beauté stupéfiante. Les marionnettes grandeur nature prennent vie dans une atmosphère fantomatique. La figure démultipliée de Lucy se heurte aux monstres qui la convoitent, comme à ses démons intérieurs. Fascinant.

critique DRACULA - Lucy’s Dream

Un cauchemar ouaté

Le mythe de Dracula ne cesse de hanter les esprits. Créé par Bram Stoker au XIXe siècle, le roman mettait en valeur Jonathan Harker, un jeune homme, venu de Londres jusqu’aux Carpates, pour négocier la vente d’une maison. Dans le château du comte Dracula, le héros était confronté au vampire et à ses créatures. Après de nombreuses péripéties, Jonathan Harker parvenait à tuer Dracula.

Le spectacle de Yngvild Aspeli s’attache à un personnage secondaire du roman, Lucy, l’amie de la fiancée de Jonathan Harker.  Le récit la décrit comme une victime du comte. Sujette au somnambulisme, la jeune femme présente bientôt deux marques au cou. Malgré les transfusions sanguines qui lui sont administrées pour atténuer son asthénie, Lucy glisse lentement vers la folie et la mort. Toutes les nuits, la créature continue à lui sucer le sang. Juste avant de mourir, la jeune femme attaque celui qui l’aimait.

Dracula Lucy’s dream garde les grands contours de la trame narrative mais Yngvild Aspeli se saisit de l’oeuvre littéraire de Bram Stoker, comme elle l’avait fait avec Moby-Dick de Hermann Melville pour la traduire dans un langage totalement visuel. Lucy arpente le plateau dans un rêve qui tient du cauchemar. Peuplé de marionnettes grandeur nature, parfois plus hautes qu’elle, le monde qu’elle traverse la confronte à ses peurs mais aussi à ses désirs cachés. Sa déambulation irréelle la plonge dans un univers menaçant. Chaque pas semble mener à un labyrinthe flou. Celui de l’esprit qui s’égare. Celui du corps qui s’abandonne aux premiers émois sensuels.

« Du sang et du miel »

Dans Dracula Lucy’s dream, le travail fascinant de la Compagnie Plexus Polaire tient au fait que les actrices et acteurs marionnettistes se confondent avec les créatures de bois et de tissus. Lucy s’incarne à travers plusieurs figures humaines, comme à travers des corps manipulés. Entre le réel et la création, le fil est si mince que le public ne sait plus parfois qu’elle est la « vraie »  vision. Lucy ne cesse de combattre contre elle-même. Entre la jeune fille et la créature qu’elle est en train de devenir, les corps se mêlent, luttent, se confondent, cherchant chacun à prendre l’ascendant sur l’autre.

Face au corps démultiplié de Lucy, se dresse la représentation gigantesque de Dracula. Le visage émacié, le corps souple et terrible, il surgit de l’ombre pour assouvir des pulsions féroces et lascives. La marionnette aux pouvoirs étranges se transforme en chien-loup ou en chauve-souris. Terrien ou aérien, le vampire glisse d’une forme à l’autre dans un univers ouaté et menaçant.

Des colonnes évoluent sur le plateau. Mobiles, changeantes, elles construisent un lieu dont les contours se dérobent sans cesse et qui emprisonnent lentement Lucy. Elles sont à la fois des éléments de décor mais aussi les représentations d’un espace mental troublé. Un kaléidoscope de projections numériques nimbe l’ensemble de formes flottantes. Children’s of the night, une envoutante chanson accompagne certaines scènes. Comptine qui invite Lucy à accepter de se perdre et à céder à ce qui veut la contraindre.

Dracula Lucy’s dream s’écarte cependant du modèle romanesque. Au terme de sa lutte contre les forces qui souhaitent l’aspirer et l’asservir, l’héroïne parvient à dominer ses peurs et à affronter ce qui mêle « le sang au miel » . Entourée de ses soeurs de bois et de tissus, elle tue l’être malfaisant qui était entré dans sa chambre. Pour boire son sang et se repaître de sa jeunesse. Chacun pourra le lire comme il veut. Mais Dracula pourrait bien être la représentation terrible d’une figure incestueuse.


 

Dracula Lucy’s dream, mis en scène par Yngvild Aspeli, est un spectacle très abouti, à la puissance visuelle captivante.

Les LM de M La Scène : LMMMMM


Dracula Lucy’s dream

D’après Bram Stoker

La Manufacture

du 7 au 24 juillet – Relâches : 12, 19 juillet

à 09h30

  • Mise en scène : Yngvild Aspeli
  • Interprète(s) : Yejin Choi, Marina Simonova, Kyra Vandenenden, Sebastian Moya, Dominique Cattani
  • Régie lumière : Emilie Nguyen
  • Régie Son et Vidéo : Baptiste Coin, Pierre-Aimé Ballot
  • Musique : Ane Marthe Sørlien Holen
  • Vidéo : David Lejard-Ruffet
  • Costumes : Benjamin Moreau
  • Compagnie Plexus Polaire

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