Adapté du roman Le Collège de Buchy de Jérémie Lefevbre (Editions Lunatique), A ceux qui nous ont offensés, de La Cie Grand Boucan, propose une plongée fiévreuse dans les méandres traumatiques liés à un harcèlement en milieu scolaire.
Critique À ceux qui nous ont offensés
Vers un hypothétique pardon ?
Un homme se souvient. Un père de famille. Plus de trente ans après, alors que les événements semblent avoir été occultés, une scène fugace entre son fils et un autre enfant réactive la violence dont il a été victime. Alors que celui-ci venait d’entrer en sixième au collège, pour avoir chanté d’une voix très aiguë, il était devenu le souffre-douleur de tous les camarades de sa classe. Brimades, humiliations s’enchaînaient sans qu’aucun adulte ne s’en soit jamais aperçu.
Sur scène, l’homme est interprété par Bruno Tuchszer. Le comédien prend en charge le monologue fiévreux pour en restituer les accents les plus pathétiques et les plus déments. Il parvient à faire entendre à la fois le désarroi de l’enfant maltraité, seul face à sa souffrance, mais également, la rage de l’adulte qui a soif de vengeance.
Le titre du spectacle, A ceux qui nous ont offensés, qui reprend la prière volontairement tronquée de la Bible, semble indiquer qu’aucun pardon n’est plus possible. La prière chrétienne parle de réciprocité marquée par un « comme » important. « Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés » (Mathieu 6.12). Or comment l’enfant peut-il demander pardon à Dieu pour une faute qu’il n’a pas commise ? Et comment pardonner aux bourreaux quand aucun prix n’a été payé pour le crime ?
HOrs de la lumière de Dieu
La mise en scène de Carine Bouquillon travaille le monologue porté par Bruno Tuchszer comme autant de scènes fragmentées de la mémoire. Traitées comme des tableaux où la lumière se fait difficilement une place, tant la pénombre règne, le plateau devient comme le prolongement des souvenirs de l’homme au fur et au mesure qu’ils se présentent à lui. Jouant sur le noir et un découpage extrêmement précis de la lumière (Hela Skandrani), les scènes s’apparentent à un séquençage de la névrose.
Le spectacle est circonscris dans un espace temps unique, « une nuit, une nuit de rage » où les ombres se déploient. Projection de la peur. Présences menaçantes exhumées du passé. L’éclairage méticuleux découpe l’espace et ménage le dévoilement final. Hors de la lumière de Dieu, le personnage, qui a été élevé dans un environnement très religieux, livre à la fin, les fils terribles qui le maintiennent prisonniers.
Le travail scénographique de grande qualité de La Cie Grand Boucan est à découvrir 11 Gilgamesh Belleville à 15h35.
Festival #OFF19 d’Avignon au Théâtre 11 Gilgamesh Belleville à 15h35
- De Jérémie LefebvreMise en scène Carine BouquillonComédien Bruno TuchszerRégie Fabrice DavidLumière Hela SkandraniSon Gil GauvinScénographie Carine Bouquillon
Festival #OFF19 d’Avignon Lire une autre critique M La Scène