Ysteria, texte et mise en scène de Gérard Watkins, questionne l’histoire énigmatique de l’hystérie. Au Théâtre de la Tempête, cinq comédiens, entre dérision et désarroi, explorent les formes que prend la maladie aujourd’hui.
Le Corps de l’hystérie
Étrangement, l’hystérie évoque une maladie datée et, forcément féminine. Comme si l’hystérie s’était arrêtée aux études de Freud et aux leçons de Charcot, leçons dont le film Augustine d’Alice Winocour, en 2012, avait réactivé le souvenir.
Gérard Watkins ancre, dès le début, Ysteria dans notre contemporanéité. Trois médecins ( Julie Denisse, David Gouhier et Clémentine Ménard), face public, de façon docte, s’interrogent sur les cas qu’ils tentent de soigner dans « le centre. » Avec dérision et véhémence, ils exposent à l’assemblée, invitée « à prendre des notes », les traitements envisagés pour traiter ce qui n’est plus appelé « l’hystérie » mais « troubles ou névroses de conversion hystérique ».
A leurs corps agités répondent ceux des pensionnaires du centre, déformés, paralysés par la tension interne qui les ronge. Les patients, une femme et un homme ( Yitu Tchang et Malo Martin, tous deux saisissants), paraissent prisonniers d’une gangue corporelle qui les protège d’une souffrance psychique impossible à formuler. Bouche tordue, bras atrophiés, élocution hachée, par le corps s’exprime la douleur qui raidit l’âme.
Quelle folie ?
Sur le plateau, les éléments du décor, principalement des canapés, des structures de bois et d’acier avec de petits coussins rectangulaires, sont maniés, remués, transformés, au gré des scènes. Car, le projet audacieux de Gérard Watkins n’est pas seulement d’interroger les formes actuelles que peut prendre l’hystérie. Il s’agit aussi d’inscrire ce questionnement dans l’histoire terrible des traitements qui ont pu être infligés à ces « hystériques ».
Dans un va et vient scénique dynamique, que les acteurs soutiennent avec conviction, présent et passé se chevauchent. De la Grèce antique, qui voit les prémices de la psychanalyse, aux tortures et massacres moyenâgeux pratiqués par l’église, la folie des hommes, leur barbarie, leur ignorance sont mises en scène dans leurs aspects les plus noirs ou les plus ridicules. Hypnose, travail par constellations, donnent lieu également à des moments de forte intensité.
Ysteria de Gérard Watkins aborde avec fantaisie et gravité cette maladie alourdie de fantasmes tenaces. Les attentes sont bousculées. Le sujet intéresse et le traitement surprend.
A découvrir au Théâtre de la Tempête, jusqu’au 14 avril.
avec Julie Denisse, David Gouhier, Malo Martin, Clémentine Menard et Yitu Tchang lumières Anne Vaglio scénographie Gérard Watkins
lumières Anne Vaglio son François Vatin costumes Lucie Durand