Après Avignon, Thomas Quillardet reprend au Théâtre de Gennevilliers, Tristesse et joie dans la vie des girafes, un texte de Tiago Rodrigues, qu’il avait précédemment traduit, et offre un spectacle tout public qui tord le cou à toute mièvrerie.
Dans la jungle de Lisbonne
Loin de sa savane protectrice, à Lisbonne, « Girafe », une enfant de neuf ans, aux trop longues jambes et au verbe haut, affronte les coups de la vie. Sa mère, écrivain, l’a initiée au plaisir des mots, à leur pouvoir mystérieux, mais elle est morte. Son père, chômeur, se débat avec le quotidien et ses factures, martelant, comme pour sans convaincre lui-même : « Tout va bien se passer ». Restent à « Girafe », pour meubler sa solitude et ses questions sans réponse, son ours en peluche et Discovery Channel.
D’une situation « dramatique » Tiago Rodrigues élabore un texte sans mièvrerie où l’enfant est confrontée aux violences et aux mensonges des adultes. « Girafe » s’aventure hors des sentiers protégés et rencontre les figures carnassières du monde moderne. Dans les rues de la capitale portugaise, les panthères guettent : vieillard aigri, voyou libidineux, banquier cynique, policier obtus et politicien corruptible. Pourtant, c’est ce chemin semé de chausse-trappes, de pièges et de désillusions, qui permettra à « Girafe » de laisser derrière elle son enfance tourmentée. Au terme de ce parcours initiatique, la petite fille fait son deuil et accepte de grandir.
Bouts de ficelles, selles de girafes
Thomas Quillardet opte pour la matérialisation à minima de l’imaginaire enfantin. Au centre du plateau, une structure légère est à la fois la maison, la chambre, l’espace mental de l’enfant. Des fils légers soutiennent l’ensemble permettant de créer les mondes habités ou traversés. Tout est à vue. Projecteurs, bâche, accessoires, perche pour les bruitage. Le jeu des manipulations construit l’univers enfantin où tout doit devenir possible. La mise en scène privilégie la fraîcheur des effets tout en inventant une poésie simple et décalée.
Tristesse et joie dans la vie des girafes est un spectacle qui surprend. Flirtant avec la pénombre la plus opaque comme avec l’incongruité la plus joyeuse, Thomas Quillardet réussit à recréer un monde de bouts de ficelle où les « girafes », franches et désabusées règnent en maîtres. Les quatre acteurs (Maloue Fourdrinier, Marc Berman, Christophe Garcia, Jean-Toussaint Bernard) ont l’aplomb et la juste fantaisie pour se hisser à hauteur d’imaginaire.
Jusqu’au 18 décembre