
La renaissance du Petit Odéon en salle de spectacle était très attendue. Pallaksch Pallaksch!, conçu et mis en scène par Marie-José Malis ouvre ce laboratoire scénique dédié aux écritures neuves, porteur d’un geste audacieux. Mais la promesse demeure inachevée. Ce premier opus, Pallaksch Pallaksch! #1, malgré son ambition, peine à convaincre. Deux autres pièces élémentaires investiront ce lieu singulier plein de charme.
Pallaksch Pallaksch! #1 Une promesse dans les ruines
En 1967, Madeleine Renaud et Jean-Louis Barrault avaient métamorphosé l’un des salons du Théâtre de l’Odéon en un espace scénique singulier, propice aux audaces dramaturgiques. Baptisé Petit Odéon, ce lieu confidentiel s’érigea rapidement en refuge pour les écritures émergentes et les formes délibérément expérimentales, ce que Jean-Louis Barrault qualifiait lui-même de « théâtre de chevalet ». Aujourd’hui, la salle retrouve cette vocation première : accueillir l’inédit, le fragile, l’étrange.
Durant trois mois, Marie-José Malis investit ce laboratoire intime pour y déployer ses Pièces élémentaires, renouant avec l’esprit des ateliers de création où le théâtre s’élabore au plus près de ses sources. Le titre Pallaksch Pallaksch!, avec ses sonorités étonnantes, et son point d’exclamation, claque comme un cri guerrier. Le poète Hölderlin utilisait ce mot, vestige d’une langue inventée par lui-même, pour dire l’indicible. Marie-José Malis le fait sien pour désigner son travail, sa recherche d’un langage scénique affranchi des cadres, cherchant sa propre nécessité.

Une existence à l’envers
Le premier opus, Pallaksch Pallaksch! #1 s’inspire du court roman The Ladybird de D. H. Lawrence. L’œuvre met face à face un officier allemand blessé et une lady anglaise, peu après la Première Guerre mondiale. Leur dialogue scrute les ruines du monde moderne et les ferments possibles d’un recommencement. Dans ce heurt entre la colère d’un homme et la trouble disponibilité d’une femme, se forme l’ébauche d’une promesse.
La pièce porte un sous-titre Le feu inversé. Celui-ci fait référence pour Marie-José Malis, à une « intuition vertigineuse » de Lawrence : « si l’humanité souffre, c’est peut-être qu’elle n’a jamais su comment habiter pleinement la vie » . Ainsi, les personnages à un moment croient-ils qu’il sera peut-être possible de désamorcer cette existence « à l’envers ».
L’action commence lorsqu’un homme, allongé dans le lit d’hôpital, en repousse les draps de lin. Une femme est entrée. Ces personnages ne feront que se poser dans l’espace, sans véritable interaction. Leurs paroles mêmes seront adressées la plupart du temps sans le lien du regard. De profil, de biais, face à l’une des trois grandes fenêtres à carreaux du Petit Odéon, ils paraissent prisonniers d’une chose qui les dépasse.
Des marionnettes éthérées
Dès les premiers instants, un homme en noir, assis parmi les spectateurs, se lève et les manipule brutalement pour les déplacer. Les saisissant par le cou et le dessous d’un bras, il les pose et les laisse, obéissant à sa seule volonté. Tels des marionnettes sans âme, les acteurs, au plus près pourtant des spectateurs, semblent désincarnés. Souvent immobiles, ils paraissent parfois tituber lorsqu’ils se déplacent seuls. Leurs gestes, notamment de mains, arrêtés dans le mouvement, figés, renvoient à des codes surannés. L’image finale en témoigne.
En revanche, le lieu pourtant étroit est habilement occupé. La mise en scène utilise chaque recoin, jusqu’au placard de fond de scène, qui devient une sorte de catafalque. Se créent parfois de belles images, semblables à des tableaux., notamment près des fenêtres, dont les ombres portées se projettent sur le parquet. Les beaux costumes de Pascal Batigne retiennent l’attention. Les étoffes lourdes et soignées participent à créer une matérialité des personnages, par ailleurs éthérés.
Pallaksch Pallaksch! #1, de Marie-José Malis ouvre une voie exigeante, mais aux accents par trop surannés. Le Petit Odéon retrouve bien son souffle d’atelier, mais l’ensemble, trop conceptuel, étouffe l’élan dramatique. Reste une promesse. Qui ne demande qu’à se confirmer dans les opus suivants.
Les M de M La Scène : MMMMM
Pallaksch Pallaksch! #1
(Pièces élémentaires)
Le Feu inversé *
une adaptation de La Coccinelle de
D. H. Lawrence
Distribution
traduction
Pierre Nordon
Conception et mise en scène
Marie-José Malis
Avec
Pascal Batigne, Juan Crespillo, Sylvia Etcheto et Olivier Horeau
Avec la participation de Daniel Mattar
lumières
Jessy Ducatillon
son
Solal Mazeran
costumes
Pascal Batigne
scénographie
Adrien Marès, Jessy Ducatillon
production
compagnie La llevantina
coproduction
Odéon Théâtre de l’Europe, Comédie de Genève, compagnie PallakschPallaksch, Théâtredu Beauvaisis — scène nationale
*Le Feu Inversé, d’après La Coccinelle de DH Lawrence, Classiques Garnier 2014