Marry me in Bassiani chorégraphie (La) Horde

Critique M La Scène ♥♥♥♥♡

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(La) Horde, le collectif récemment nommé à la tête du Ballet national de Marseille, s’empare d’un événement brutal survenu en 2018, en Georgie, dans sa nouvelle création, Marry me in Bassiani. La danse peut-elle jouer un rôle politique et lutter contre un pouvoir établi ?

Une Rave révolution en Géorgie

Dans la nuit du 11 au 12 mai 2018, à Tbilissi, la capitale de la Géorgie, des policiers cagoulés, masqués et armés, font une descente musclée dans deux clubs techno, dont « Le Bassiani », très en vogue auprès d’une jeunesse éprise de liberté. Face aux forces conservatrices du pays ( gouvernement, église orthodoxe, groupes d’extrême droite), les clubs offrent des espaces d’évasion et de sécurité, notamment, pour la population LGBT. Durant ce raid, de nombreuses arrestations ont lieu.

Pour protester contre ce coup de force, la jeunesse géorgienne se rassemble alors devant le parlement de Tbilissi. Sono, platines sont installées par les DJs du Bassiani. Toute la nuit, cette jeunesse danse pour s’opposer à la politique répressive du gouvernement. La « rave révolution » de Géorgie fait date. La danse devient une arme de contre-pouvoir et d’aspiration à la liberté. « We dance together, we fight together », pouvait-on voir écrit sur les pancartes qui se dressaient dans la nuit électrique.

« We dance together, we fight together »,

Marry me in Bassiani
Marry me in Bassiani @Anja Beutler

Marine Brutti, Jonathan Debrouwer et Arthur Harel du collectif, (La) Horde, s’emparent de ces événements récents pour les interroger dans Marry me in Bassiani. La scénographie initiale est explicite. En fond de scène, les escaliers et les arches austères du parlement de Tbilissi, reproduits, revendiquent l’ancrage au réel. Sur le plateau, les éléments scéniques évoquent le mariage que le titre annonçait. Une grande table de banquet se dresse au centre de la scène tandis que les invités sur les côtés passent le temps entre selfies et discussions. Le père de la mariée surplombe l’ensemble. Il marque de sa voix martiale le tempo auquel les autres doivent obéir. A commencer par sa fille.

Marry me in Bassiani  est placé sous le signe de la confrontation. Confrontation musicale entre les airs géorgiens et la techno, entre la danse traditionnelle et contemporaine, entre carcan et aspiration à la liberté, entre désespérance et révolte. Portée par la virtuosité et la puissance de l’ensemble Iveroni, la chorégraphie parvient à donner de l’épaisseur au combat. Celui des filles qu’on marie contre leur gré, celui d’une jeunesse en quête d’idéal et de respect, celui d’un peuple guerrier pour sa liberté. Dans une scène finale, la confrontation entre une course effrénée et un ralenti  étiré dans le temps donne souffle à cet appel que nous recevons. 

Mais, comme le titre le suggère, Marry me in Bassiani est aussi une injonction au « mariage » artistique, à l’union par la danse, à la rencontre féconde entre des univers éclectiques qui s’épousent pour faire sens et interroger notre présent. En cela, (La) Horde poursuit son travail créatif qui dynamite les frontières. ♥♥♥♥♡


MARRY ME IN BASSIANI

Conception et mise en scène :
(LA)HORDE Marine Brutti, Jonathan Debrouwer, Arthur Harel
Composition musicale : Sentimental Rave
Design sonore : Jonathan Cesaroni
Musique traditionnelle : Tamaz Beruashvili, Aluda Janashvili, Davit Qavtaradze (musiciens), Zaza Gochitashvili (régisseur son), Tornike Gabriadze, Ciuri Mchedlidze (chanteu.r.se.s)
Mixage musique traditionnelle : Bar Zalel et remixé par Zed Barski
Scénographie : Julien Peissel, assisté de Léa Chardin et Elena Lebrun
Construction du décor : atelier du Grand théâtre de Loire-Atlantique
Conception lumière : Patrick Riou

Avec l’ensemble IVERONI et le maître de ballet Kakhaber Mchedlidze : (en alternance) : Mari Bakelashvili, Gaga Bokhua, Tinatin Chachua, Vaso Chikaberidze, Natia Chikvaidze, Tornike Gabriadze, Giorgi Gasishvili, Tornike Gulvardashvili, Levan Jamagidze, Nika Khurtsidze, Khatuna Laperashvili, Kakhaber Mchedlidze, Neli Mdzevashvili, Giorgi Mikhelidze, Vano Natmeladze, Anzori Popkhadze, Tamar Tchumburidze, Natia Totladze, Mariam Tsirdava, Lali

-La Rose des Vents, Lille, France / 11 au 13 février
-Maison de la danse, Lyon, France / 13 et 14 mars
-TAP, Festival A Corps, Poitier, France / 2 et 3 avril


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