Jean-François Derec, au Petit Montparnasse, interprète l’adaptation théâtrale de son récit autobiographique, Le Jour où j’ai appris que j’étais juif ( Denoël, 2007). Mis en scène par Georges Lavaudant, l’esprit insolite et grave de cette découverte tardive des origines séduit et touche.
Une quête insolite des origines
« Lorsque à Grenoble, vers dix ans, ma petite copine me dit : « Je te montre mes seins si tu m’avoues que tu es juif », le ciel me tombe sur la tête. Comment pouvait-elle savoir une chose pareille alors que je l’ignorais moi-même ? Ça voulait dire que tout le quartier était au courant. Sauf moi. »
« Juif ». A dix ans, ce mot lancé par Christine, sa petite copine, a donc changé à tout jamais le destin de Jean-François Derec, lui laissant le sentiment amer d’avoir été et d’être un imposteur. Derec sonnait comme un nom breton. Ses parents avaient choisi un prénom passe-partout. Etre « comme il faut », comme le souhaitait sa mère, comme le voulait la bonne société grenobloise, passait par le catéchisme et par la dissimulation des véritables origines. La découverte n’en est que plus étonnante.
Avec une naïveté toute enfantine, Jean-François Derec revient sur cette découverte et raconte ses cocasses tentatives pour s’approprier sa nouvelle identité. Celle de ce Jean-François Dereczynski. Lui. Se heurtant « aux trous de mémoire » volontaires de ses parents, contournant avec humour et sensibilité les figures tutélaires de sa mère et de son père, il avance par à coups vers Lódz et vers la Pologne qu’ils ont fui. Cinq photos jaunies accompagneront cette quête des origines. Jusqu’au final bouleversant, qu’on ne dévoilera pas.
La mise en scène de Georges Lavaudant est sobre, concentrée sur l’intime. La priorité est laissée à la parole. Dans un cercle de lumière, l’acteur se tient face à nous. L’ensemble du décor est noir. Sur une petite tablette, cinq verres ouvragés de couleur attendent en fond de scène. Ils seront les ponctuations du monologue lorsque le comédien ira boire un peu, quittant le cercle du récit. Tout le travail du metteur en scène s’est, on le sent, porté sur la direction d’acteur. Ciselant le geste, la posture, l’intonation pour amuser et toucher.
Un seul en scène réussi. Élégant, sensible et drôle.
Théâtre du Petit Montparnasse Jusqu’au 11 janvier 2019