Nous, l’Europe, banquet des peuples, mis en scène par Roland Auzet d’après le texte de Laurent Gaudé, présenté au Festival d’Avignon, cet été, était une exhortation à la mémoire et l’espoir, I Am Europe de Falk Richter est un patchwork catastrophiste qui se repaît de lui-même.
SE repaître de soi
Inutile de se pousser dans une analyse littéraire comparée très poussée. Tout est dans le titre. « Nous, L’Europe, Banquet des peuples » de Roland Auzet, interrogeait l’Histoire, le collectif, le pluriel, les peuples. I am Europe de Falk Richer met en avant le singulier, le personnel, l’intime, voire le nombrilisme.
Au lyrisme du texte de Laurent Gaudé répondait l’énergie du plateau. Sur les cendres d’une histoire sanglante, conflictuelle, meurtrière, les mots de Gaudé rappelaient qu’une « belle utopie » était née, l’Union européenne. Guerres, Shoah, colonisation, ont déchiré le vieux continent. Laurent Gaudé réactivait cette mémoire enténébrée dans sa violence et son horreur mais pour exhorter à l’espoir, pour défendre une autre Europe, fraternelle et unie.
Accepter la CATASTROPHE
Falk Richter dans I am Europe dresse un bilan qui paraît se repaître de la catastrophe. Au point même de dire « qu’il faut penser l’après catastrophe ». Rien n’est proposé. Pas même une réponses artistique. Les huit comédiens de nationalités différentes – danseurs pour certains (chorégraphie efficace de Nir de Volff ) – racontent leur histoire. Certains sont unis dans la vie. Les revendications s’arrêtent aux portes de l’intime. Comme chez Auzet, les langues sont plurielles. Comme chez Auzet, la scénographie utilise des éléments de literie qu’on déplace – construction oblige – ( matelas pour le premier, coussins carrés pour le second). Mais, l’ensemble, décousu, parfois aguicheur ( chanson d’ABBA, pourquoi ? ), parfois clivant ( jugement préconçu sur le public présent ), manque de réflexion et de profondeur.
Énoncer « qu’il faut penser l’après catastrophe » est même dangereux. La penser, c’est l’accepter. Faut-il se résoudre au ravage de la Terre qui nous accueille ? Faut-il acter les prises de pouvoir par les nationalistes ? Faut-il arrêter de se battre pour ce qui rassemble ? A l’heure où les noirs égoïsmes et les idéologies fascisantes ressurgissent au sein même de l’Europe, il est important de propager le souffle vibrant de ce qui nous unit. La Fraternité, la Liberté, la Démocratie, la Laïcité, sont des mots qui doivent nous porter.
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texte Falk Richter (avec des textes écrits en collaboration avec les acteurs et les actrices)
mise en scène Falk Richter
traduction française Anne Monfort
avec Lana Baric, Charline Ben Larbi, Gabriel Da Costa, Mehdi Djaadi, Khadija El Kharraz Alami, Douglas Grauwels, Piersten Leirom, Tatjana Pessoa
chorégraphie Nir de Volff
dramaturgie Nils Haarmann
scénographie, costumes Katrin Hoffmann
musique Matthias Grübel
vidéo Aliocha Van der Avoort
lumière Philippe Berthomé
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