Critique Majola
Texte et mise en scène Caroline Darnay
Dans le tumulte du Off d’Avignon, certaines pièces imposent le silence par leur intensité. Au Théâtre des Corps Saints, Majola, de Caroline Darnay en fait partie. Un huis clos implacable qui convoque les fantômes de l’Histoire et les vacillements des consciences. Voir l’interview de Caroline Darnay par M La Scène
Le décor est planté : en 1982, Thomas Keneally publie La Liste de Schindler. Onze ans plus tard, Spielberg en fait un film mondialement salué. C’est le début d’un tournant mémoriel autour des Justes et de ceux qui ont résisté à l’horreur nazie. Mais derrière les figures héroïques, que reste-t-il des zones d’ombre ? Majola, la pièce de Caroline Darnay, s’empare de ces failles, de ces silences encore béants dans les récits individuels.
Munich, 1980. Dans un palace aux allures feutrées, une femme refait surface : Irène Kalder. Ancienne secrétaire d’Oskar Schindler, mais surtout compagne d’Amon Göth, le sanguinaire commandant du camp de Plaszow. Elle accepte un entretien. Du moins, le croit-elle. Face à elle, un journaliste américain, vétéran de la Seconde Guerre mondiale. À ses côtés, un jeune cameraman juif. L’interview bascule rapidement en procès moral. Les questions claquent : Peut-on aimer un monstre ? Jusqu’où va la complicité, la cupidité ? Faut-il tout dire pour être pardonné ?
Avec Majola, Caroline Darnay livre un texte tendu comme un fil, inspiré des rares entretiens donnés par Irène Kalder. Huis clos implacable, la pièce explore la part grise des destins individuels, là où la vérité vacille et les responsabilités sont questionnées.. Kalder est-elle une victime ? Une complice ? Une femme amoureuse aveuglée par le pouvoir ? Le texte ne tranche pas. Il trouble. Il interroge.
Soutenu par une mise en scène minimaliste et l’intensité des trois interprètes (Caroline Darnay, Marc Duret, Duncan Talhouët) Majola ne se contente pas de rejouer l’Histoire. Elle la confronte, en direct, à la conscience du spectateur. Un théâtre qui rappelle que la mémoire est aussi affaire de choix, de courage et de lucidité.
Majola de Caroline Darnay rappelle que rien n’est simple, surtout pas la vérité. Un spectacle fort et maîtrisé.
Les LM de M La Scène : LMMMMM
Festival d’Avignon Billet #1 Où l’on se laisse tenter par un billet d’humeur
Festival d’Avignon Billet #1 Où l’on se laisse tenter par un billet d’humeur