Critique Le Pied de Rimbaud

Maxime dans Le pied de Rimbaud Photo @Cyrille Cauvet
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Dans Le Pied de Rimbaud, mis en scène par Laurent Fréchuret, Maxime Dambrin, seul en scène, porte avec ferveur le verbe rimbaldien.

Le Pied de Rimbaud : tenir debout « à la Grande-Ourse »

Le Pied de Rimbaud, mis en scène par Laurent Fréchuret explore avec finesse la jeunesse du poète « Voyant » à travers un montage d’écrits, mêlant plusieurs poèmes emblématiques et la seule nouvelle jamais écrite par le poète, Un cœur sous une soutane. Le spectacle s’organise autour de la figure d’un séminariste aux prises avec la foi, le désir, la contrainte et la découverte de soi. Un collégien humilié, trahi, oscillant entre ferveur mystique et sarcasme juvénile. Préfiguration d’un Rimbaud encore en devenir, mais déjà exalté et féroce, convaincu de la nécessité de vivre pour et par la poésie afin de tenir debout..

La mise en scène revendique la sobriété. Deux chaises sur le plateau deviennent, selon l’avancée du récit, appui, prie-dieu ou coiffeuse. Éclairé par des petites lumières au sol, un rideau de bandes noires habille le fond de scène. Lorsque le comédien ( Maxime Dambrin) les traverse, les lambeaux souples qui le composent, font écho à la prose rimbaldienne.  « Les basques de mon habit noir volaient derrière moi, dans le vent, comme des oiseaux sinistres !.. »

Laurent Fréchuret refuse volontairement les effets pour privilégier le verbe et la présence. Il ménage des respirations, des zones d’ombre, où l’on perçoit autant la violence que la fraîcheur d’une langue en formation. En associant à la nouvelle, Un coeur sous la soutane, des poèmes comme Au Cabaret vert ou Les Poètes de sept ans, le metteur en scène compose un parcours cohérent, qui éclaire les débuts d’un esprit en révolte. L’ensemble tient de la lecture performée autant que du théâtre, oscillant entre ferveur et distance, sans céder à la tentation de la célébration romantique.

Dans les pas du Voyant

C’est vers un espace nu, travaillé par la lumière, que se dirige le comédien Maxime Dambrin. Pour lui aussi, se tenir debout  « à la Grande-Ourse » est important. Il traverse la salle de sa démarche singulière, due à une maladie, et entre sur le plateau. Nonchalamment, chemise blanche ouverte, veste sur l’épaule, il se retourne et lance face public : « On se doit à la société. Je me dois à la société. Aujourd’hui, j’ai résolu de vous donner une heure de littérature nouvelle. » Le ton est donné : celui d’une parole adressée, entre candeur et insolence. Celle d’un acteur qui marche dans les pas du Voyant.

Maxime Dambrin, que Laurent Fréchuret a déjà dirigé à quatre reprises, notamment dans En attendant Godot, confirme son talent. Sa diction souple, son écoute du texte, sa façon de jouer du silence, comme du prolongement d’un mot, donnent au personnage une humanité tangible. Sa jubilation évidente à s’emparer du verbe rimbaldien, son regard juvénile et ironique, composent un personnage à la fois ardent et fragile, sans emphase inutile.

Le poème, Les Poètes de sept ans vient sceller le parcours initiatique proposé par le spectacle. Le texte récité en fin de spectacle, restitue avec intensité et sensibilité l’exaltation des sentiments et l’aspiration à un ailleurs pressenti qui ouvrirait violemment sa voile. Maxime Dambrin avec finesse et netteté donne à entendre l’enfant reclus, sensuel, profanant le sacré, imaginant un langage nouveau en quête d’absolu. La magnifique mise en chanson du poème par Léo Ferré revient en mémoire, mais ici l’interprétation inédite, convainc au plus haut point.

 Le Pied de Rimbaud, mis en scène par Laurent Fréchuret rappelle avec bonheur combien Rimbaud reste le poète flamboyant de l’insoumission.

L’avis de M La Scène : MMMMM

Le Pied de Rimbaud

Théâtre du Chariot

D’après Un cœur sous une soutane et autres écrits d’Arthur Rimbaud

Adaptation et mise en scène : Laurent Fréchuret

Avec : Maxime Dambrin

Création lumière : Sébastien Combes

Administrateur de production : Baptiste Delhomme

Cie Le Théâtre de l’Incendie

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