Critique de Caligula
Mise en scène Bruno Dairou, Edouard Dossetto
Caligula, mis en scène par Bruno Dairou et Edouard Dossetto, fait résonner la belle écriture d’Albert Camus et interroge notre présent.
Dans l’arène d’une mort annoncée
Figure de la folie sanguinaire, Caligula reste également associé à celle du tyran. La pièce d’Albert Camus, parue en 1944, fait de l’empereur romain, un être frappé par l’absurdité de la condition humaine. Après la mort de sa sœur et maîtresse Drusilla et, trois jours d’absence, Caligula revient métamorphosé. Désormais, conscient que les hommes ne peuvent être heureux, le maître de Rome dicte sa loi cruelle au gré de sa fantaisie. Cherchant à atteindre ce qu’il nomme « la lune » , l’inaccessible, le tyran multiplie les meurtres. Par la débauche et la violence extrême, il teste les limites du pouvoir et celle de sa liberté. Chronique d’une mort annoncée. Toutes lois morales bafouées, Caligula attend son assassinat comme la preuve qu’il est bien un homme.
La mise en scène de Bruno Dairou et Edouard Dossetto place les spectateurs au cœur de l’intrigue. Dans la file d’attente, à l’extérieur du théâtre, des acteurs en costume de ville, médaille à la boutonnière, les interrogent, inquiets. « Bonjour Sénateur. Avez-vous des nouvelles de l’Empereur ? » Une fois, à l’intérieur, ils seront conviés métaphoriquement « à descendre dans l’arène » , à s’engager dans le déroulé de l’action, notamment dans la scène des poètes. « L’idée était d’avoir un espace de jeu comme une arène, comme un amphithéâtre, à l’assemblée nationale aussi, qui permette d’impliquer le spectateur. Qu’il soit partie prenante de la pièce et ce qui est en train de se produire. » ainsi que le précise Edouard Dossetto. Comme une invitation « pour les citoyens à se réunir autour d’une place pour parler de la validité du pouvoir » ajoute Bruno Dairou.
Un Caligula profondément actuel
Faite de cubes aux formes simples, la scénographie ingénieuse choisie par Pierre Mengelle est extrêmement mobile. Elle se prête à tous les changements de tableaux qui se succèdent dans un perpétuel mouvement. Colonnes romaines, socle, trône, table, sièges, estrade, lit, écritoire, les cubes transforment l’espace et dynamisent la représentation. Pour Bruno Dairou, il est important de « faire savoir aux jeunes que Caligula est un classique extraordinaire. Il faut garder la beauté de la langue. Pas de coupe qui viendrait massacrer le texte. Mais, il faut que ça parle de nos jours. »
Tous les acteurs défendent avec ferveur le texte de Camus pour en faire entendre les aspects les plus contemporains. Antoine Laudet campe un Caligula qui n’est pas seulement un tyran. Tourmenté, cynique, il revêt l’expression de la douceur pour céder à la pire des cruautés. Travesti en Vénus, sa folie n’en démystifie pas moins l’hypocrisie et la veule faiblesse de ceux qui peuplent l’hémicycle avec lui. Face à lui, Antoine Robinet donne toute sa complexité au personnage de Scipion. Céline Jorrion interprète Cæsonia en lui conférant une humanité touchante. On le sent, un esprit de troupe insuffle la représentation pour en restituer la modernité. La belle image finale finit de convaincre.
Bruno Dairou et Edouard Dossetto donnent à Caligula sa sombre et terrible beauté. Vibrant, passionnant, il happe le spectateur et ne le lâche plus. Une réussite.
Les LM de M La Scène : LMMMMM
Caligula
du 7 au 30 juillet – Relâches : 11, 18, 25 juillet
à 11h15
FACTORY (LA) – 1-Théâtre de l’Oulle
Auteur : Albert Camus
- Mise en scène : Bruno Dairou, Edouard Dossetto
- Interprète(s) : Pablo Chevalier, Edouard Dossetto, Josselin Girard, Céline Jorrion, Antoine Laudet, Antoine Robinet
- Régisseuse : Héléna Castelli
- Création lumière : Arnaud Barré
- Scénographie : Pierre Mengelle
Perspectives (Cie des)
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