Critique AfterLight
Daniel Proietto
Présenté à la Maison de la musique de Nanterre, AfterLight se compose de trois pièces chorégraphiques. Daniel Proietto, danseur et chorégraphe argentin, interprète du Ballet national de Norvège, y partage la scène avec deux magnifiques danseuses de l’Opéra de Paris : Léonore Baulac et Marion Barbeau. La danse contemporaine y célèbre notamment l’héritage classique.
Étoiles passées et présentes
AfterLight
En ouverture, Daniel Proietto reprend AfterLight un solo hypnotique créé en 2009, chorégraphié par Russel Maliphant. Porté par les mélodies envoûtantes d’Erik Satie et la musique additionnelle d’Andy Cowton, Daniel Proietto fait revivre Nijinski, l’icône des Ballets Russes, avec des mouvements amples, des spirales virtuoses et une grâce délicate. Aux volutes des bras répondent les phrases mouvantes de la lumière. Les projections animées de Jan Urbanowski donne matière à tout un imaginaire qui accompagne le mouvement du danseur qui se déploie sur le plateau. Comme happé par les cercles qui dessinent au sol l’espace mobile, l’homme se cambre et tournoie pour ne faire qu’un avec la lumière et disparaître.
Cygne
La deuxième pièce, sans nul doute, la plus interessante du programme, intitulée Cygne, s’inspire du seul film de la célèbre Anna Pavlova, réalisé en 1925. Daniel Proietto en signe la chorégraphie. La scénographie, créatrice de poésie, frappe l’esprit dès les premiers instants. Sur le rideau noir fermé, le visage nu de Léonore Baulac est projeté. Les yeux de la jeune femme, grands ouverts, fixent la salle.
Quand les pans s’ouvrent, une vidéo révèle un extrait du film muet consacré à Anna Pavlova dansant « La Mort du cygne » . La caméra s’attache à ses pointes, puis remonte sur son corps en mouvement. Au centre du plateau, dans une mise en abîme ingénieuse, se tient Léonore Baulac, vêtue du même costume. Celui du cygne agonisant. Par un jeu subtil sur l’échelle des corps et l’écho des mouvements, passé et présent se mêlent. Il semble qu’Anna Pavlova prenne sous son aile la jeune et brillante interprète.
Ce beau moment d’émotion se prolonge lorsqu’un jeune garçon entre en scène. Bruce Reynaud, figure poétique et innocente illustre la découverte universelle de la mort et du cycle de la vie. L’enfant semblable à un double du chorégraphe chante également, par sa présence, l’amour et l’admiration vouées à la danse classique et à ses belles interprètes présentes et passées.
Entre nous
Présentée pour la première fois, Entre nous, la création chorégraphiée par Alan Lucien Øyen met à l’honneur l’interprétation sensible des deux danseurs, Marion Barbeau et Daniel Proietto. Le duo se déploie sur le plateau, souvent éclairé par deux projecteurs de cinéma. La connivence entre les deux danseurs saute aux yeux. Leur subtile énergie comme la fluidité de leurs gestes se répondent en écho dressant les contours d’une histoire teintée parfois de mélancolie.
L’ensemble souffre en revanche, d’être affadi par des dialogues d’une platitude navrante. « Je serai la femme et toi l’homme« , « Je te trouve jolie » . « J’aime ma vie » » C’est pas grave. » « On vit, on meurt. » Ponctuée par des « Clap » , » Moteur, ça tourne. » , « Scène 1 » , « Scène 2 » … , la création s’alourdit d’évidences alors que l’éclairage de cinéma suffisait au public pour comprendre. On se plait alors à imaginer la même pièce où seuls les corps en mouvements se donneraient à voir en toute simplicité, sans artifice ostentatoire.
À travers ces trois propositions chorégraphiques, Daniel Proietto confirme son talent pour explorer la mémoire de la danse tout en lui insufflant une modernité sensible. Si certaines pièces brillent davantage que d’autres, l’ensemble témoigne d’un profond respect pour l’héritage artistique et d’une quête perpétuelle de beauté et d’émotion.
Les LM de M La Scène : LMMMMM
AfterLight
Maison de la Musique et la Danse Nanterre
AfterLight
Chorégraphie de Russel Maliphant
Musique: Erik Satie «Gnossienne», Andy Cowton, interprétée par Dustin Gledhill
Animation: Jan Urbanowski – Onedotzero
Interprétation Daniel Proietto
Cygne
Chorégraphie de Daniel Proietto
Interprétation Léonore Baulac (danse) et Bruce Reynaud (chant)
Musique : Olga Wojciechowska
Costume: Stine Sjøegren
Video: Yaniv Cohen
Lumière : Kristin Bredal
Entre nous
( création)
Mise en scène Alan Lucien Øyen
Interpétation Daniel Proietto et Marion Barbeau
Intéressé.e.s par une critique récente de M La Scène ? Celle-ci pourrait vous plaire : Critique Nos âmes se reconnaîtront-elles ? mise en scène Simon Abkarian.