Critique Anima

conception Noémie Goudal et Maëlle Poésy

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Anima, conçu et réalisé par Noémie Goudal et Maëlle Poésy invite le spectateur à travers une expérience sensorielle à s’interroger sur la vulnérabilité du monde.

« Arbres de ces grands bois qui frissonnez toujours »

Dans la petite cour de la Collection Lambert, à Avignon, des sièges ont été disposés en arc de cercle. Face à eux, trois grands panneaux de même dimension ferment l’espace. A l’intérieur de ce dispositif, le public découvre bientôt trois paysages luxuriants. Les arbres évoquent ceux d’une palmeraie.

Aux premières toiles lisses vont se substituer des paysages à strates. Des machinistes plaquent des pans d’images sur le précédent support. Ils multiplient l’action, créant, construisant, par couches, l’épaisseur d’un décor foisonnant. La photographe plasticienne Noémie Goudal et la metteure en scène Maëlle Poésy, dans Anima, en s’inspirant de la paléoclimatologie, invitent le spectateur à regarder la nature, non comme une image fixe, mais comme un être mu par le souffle du temps. Ce qui n’est plus, a été. A l’échelle du temps de la terre, la métamorphose est inscrite dans l’épaisseur des troncs et les rainures des roches.

« Le paysage c’est une manière pour moi de parler des mouvements des paysages de manière universelle. Et justement pas par un lieu précis. C’est pour ça que le sujet de la paléoclimatologie est fascinant parce que ce sont des métamorphoses de paysage qui sont à des échelles énormes, à l’échelle de la planète où les frontières, les continents qu’on connaît actuellement n’existent plus. » indique Noémie Goudal. Sous nos yeux, chacun des paysages va donc se décomposer, soit sous l’effet du feu, soit sous l’action de l’eau. L’une des toiles va même disparaître pour ne laisser apparente que la structure qui la maintenait.

Suspendre le regard

Anima est une « Installation performance » , telle la définisse les deux créatrices. A l’instar de Victor Hugo qui célébrait la beauté frémissante des arbres dans Les Contemplations : « Arbres de ces grands bois qui frissonnez toujours » , Noémie Goudal et Maëlle Poésy nous invitent à suspendre notre regard pour contempler l’âme et la respiration du vivant.

Longuement, sur deux écrans, le feu crépite, lèche et consume le paysage. Les pans de papier, l’un après l’autre, calcinés, s’envolent. Sur l’autre panneau, en direct, le paysage se désagrège sous le ruissellement de l’eau. En immersion, le spectateur expérimente l’épaisseur du temps et la lente métamorphose des éléments.

Prolongeant cette expérience de la durée – moment de grande poésie – la circassienne Chloé Moglia prend possession de la structure métallique. Très lentement, l’artiste s’empare de l’une des barres et avance dans ce qui n’est plus un paysage mais un squelette froid. Suspendue dans les airs, à plusieurs mètres du sol, sans filet, l’artiste dessine au ralenti les mouvements d’une âme étonnée. On suspend notre souffle comme notre regard. Ancrés, avec elle, dans le moment présent, la fragilité de notre condition s’incarne dans ce corps suspendu au dessus du vide. A la verticalité de l’arbre répond la verticalité du corps. Même élan de vie, même vulnérabilité.

Le travail exigeant de Noémie Goudal et Maëlle Poésy interpelle. Anima, propose un questionnement sensible et poétique sur l’état du monde et son devenir.

Les LM de M La Scène : LMMMMM



Anima

Festival Avignon 2022

à partir de l’œuvre Post Atlantica de Noémie Goudal

Noémie Goudal et Maëlle Poésy

Dijon – Paris / Création 2022

Avec Chloé Moglia

Conception et réalisation Noémie Goudal et Maëlle Poésy
Écriture de la suspension et sa réalisation Chloé Moglia
Musique originale Chloé Thévenin (composition et interprétation)
Scénographie Hélène Jourdan
Lumières Mathilde Chamoux
Costumes Camille Vallat

Régie générale et plateau Géraud Breton, régie son Samuel Babouillard
Régie vidéo, lumières Pierre Mallaisé
Assistanat Clara Labrousse et Pauline Thoër


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