Tony Harrisson met en scène dans Toussaint Louverture, le souffle de la liberté, les derniers mois du héros haïtien. Avec le général Caffarelli, chargé de l’interroger, et un gardien bienveillant, se joue un huis clos tendu où se mêlent autorité, humanité et mémoire. Sobriété du décor, force des mots et intensité des acteurs donnent à cette pièce une résonance universelle et actuelle.
Un huis clos qui redonne vie à une figure universelle
Sur une scène volontairement dépouillée, trois personnages occupent l’espace. Toussaint Louverture, héros de la révolution haïtienne, arrêté et déporté en France. Le général Caffarelli, envoyé par Napoléon pour recueillir ses confidences. Et enfin le gardien du fort de Joux, témoin discret qui tisse avec le prisonnier une relation faite de respect et d’humanité. C’est dans cette tension entre politique, domination et fraternité que prend corps Toussaint Louverture, le souffle de la liberté.

Toussaint Louverture, le souffle de liberté : l’histoire en arrière-plan
La pièce s’appuie sur des faits historiques précis : en 1802, Napoléon Bonaparte envoie un corps expéditionnaire aux Antilles pour y rétablir l’économie de plantation de l’Ancien Régime. La plus importante de ces expéditions a pour objectif la reconquête de Saint-Domingue Toussaint Louverture, trahi, est arrêté et envoyé en France. Entre septembre 1802 et avril 1803, il est enfermé au fort de Joux, où il rédige ses Mémoires. Durant sa captivité, il reçoit la visite du général Caffarelli, aide de camp de Napoléon, suite à des lettres adressées au Premier Consul par Toussaint Louverture, signifiant qu’il avait des révélations à faire. Cafarelli l’interroge sur un hypothétique trésor, sur ses tractations diplomatiques et sur la guerre à Saint-Domingue. Quelques mois plus tard, affaibli par la maladie et le froid, Toussaint Louverture meurt sans procès, tandis que son ancien lieutenant Dessalines proclamera l’indépendance d’Haïti le 1ᵉʳ janvier 1804.
Une mise en scène sobre et tendue
Tony Harrisson, metteur en scène et interprète du personnage de Toussaint Louverture, choisit la voie de la sobriété. Pas de décor chargé, mais un espace resserré laissant apparaître les moellons à nu des murs du Théâtre des Corps-Saints à Avignon, des lumières tamisées, une musique discrète où la flûte traversière fait entendre un souffle fragile. Tout concourt à créer une atmosphère d’enfermement et de réflexion et à laisser place à l’essentiel : les mots, les silences, les regards.

Trois présences qui se répondent
Le cœur du spectacle est le dialogue entre Toussaint Louverture et le général Caffarelli. Tony Harrisson incarne avec force et vigueur un Toussaint Louverture qui cherche à convaincre autant qu’à se défendre et joue avec justesse le personnage qu’on surnomma « le Premier des Noirs », le « Spartacus noir », l’un des héros de la révolution haïtienne, qui loin de tout, dans ce fort inhospitalier du Jura, témoigne d’un sentiment de peur qui désormais l’habite. Face à lui, Guy Vouillot prête au général une autorité oscillant entre fermeté et doutes. Le troisième personnage, le geôlier qu’interprète également Guy Vouillot, introduit chaleur et humanité. Par ses gestes simples et son écoute, il fait exister une relation sincère entre deux hommes que tout devrait séparer. Ce contraste renforce la tension dramatique et empêche le huis clos de sombrer dans la froideur.
Une pièce qui interroge autant qu’elle raconte
Le spectacle Toussaint Louverture, le Souflle de la Liberté ne se contente pas de rappeler l’histoire d’un homme et d’une révolution. Il interroge les paradoxes de ce personnage mythique : combattant de la liberté mais gouverneur autoritaire, héros de l’indépendance mais défenseur d’une économie encore marquée par la plantation et l’exploitation des esclaves. Ces contradictions, loin de ternir le personnage, le rendent plus complexe et interroge cette figure majeure de la révolution haïtienne.
Deux siècles plus tard, l’histoire de Toussaint Louverture nous interpelle toujours. En ravivant sa voix derrière les murs du fort de Joux, Tony Harrisson rappelle que le souffle de la liberté reste universel et intemporel.
L’avis de M La Scène : MMMMM
Applaudissements à l'issue du spectacle le 10 juillet 2025 au Festival Off Avignon
Toussaint Louverture, le souffle de la liberté
Théâtre des Corps Saints, Avignon – Festival Off Avignon