L MM Noé chorégraphie Thierry Malandain
Malandain Ballet Biarritz
Noé, l’écho des vagues
Thierry Malandain présente Noé, un ballet où la troupe des jeunes danseurs du Malandain Ballet Biarritz soutient avec brio la musique de Rossini. Une chorégraphie qui donne à voir moins la noirceur du déluge que la beauté de l’écho des vagues.
Le mythe du déluge traverse les siècles et les continents. Bien avant le récit de la Genèse, commun aux trois religions du Livre ( juive, chrétienne et musulmane), l’épopée de Gilgamesh, le héros mésopotamien, conte déjà, le cataclysme diluvien et le sauvetage d’un élu. En Inde, en Chine en Grèce, comme chez les Incas, le mythe existe et reprend l’idée ancestrale de la cruauté des hommes et de leur nécessaire élimination pour construire une humanité nouvelle.
Une Humanité nouvelle ?
Thierry Malandain choisit de commencer son ballet Noé sur un affrontement. Trois hommes, dans un cercle proche, se défient. Sous les yeux d’un groupe mixte, aligné, assis et impassible, le trio en vient à se déchirer et à briser l’harmonie qu’ils avaient, au tout début, construite. Un des hommes abdique rapidement et retourne dans le rang. Le duo qui suit voit l’apogée de la violence. L’homme dans ce qu’il a de plus cruel. Un corps en martyrise un autre. Jusqu’à ce qu’il ne soit plus qu’une chose. Dominée, laminée.
L’image sera reprise à la toute fin du ballet. Comme le sinistre constat que l’homme n’a rien appris de l’épreuve du déluge, que la vague de la violence et de la cruauté peut encore submerger l’humanité. Comme un appel à la clairvoyance et à l’implication. Au spectateur de ne pas se limiter à regarder ce qui se produit sans agir.
Une Humanité en mouvement
Néanmoins, l’essentiel du ballet Noé montre un humanité en mouvement, un groupe qui, sous l’impulsion d’un seul, construit un renouveau possible. L’énergie est ample, la rythmique soutenue, la chorégraphie précise et inventive. La troupe des jeunes danseurs du Malandain Ballet Biarritz soutient avec brio la Messa di Gloria de Rossini dans la très belle salle de la Gare du Midi.
Avec une mention spéciale pour Mickaël Conte ( Noé), extrêmement sollicité sur scène, qui relève à la perfection le défi. On soulignera également la force de Frederik Deberdt dans le rôle de Cain. Sa présence attire la regard, comme celle de Miyuki Kanei (Eve). Claire Lonchampt (la Colombe) avec Guillaume Lillo (le Corbeau) forment également un duo remarquable aux lignes pures, où noir et blanc, homme et femme, mauvais présage et espoir s’allient dans un moment d’évidence et de talent.
L’Esthétique de la vague
Mais, Noé est avant tout une chorégraphie où les danseurs, embarqués sur la même arche scénique, défendent l’idée d’un groupe d’hommes et de femmes en devenir. La chaîne humaine ne cesse de se faire, de se défaire puis de se recomposer. Les êtres reliés par la force de la nécessité après le cataclysme diluvien se lâchent, s’attachent, s’échappent, se reprennent. Par vagues, les bras se nouent et se déplacent. Par vagues, les pieds frappent le sol et les têtes scandent le rythme. Tellurique, aérien, l’écho de la vague construit l’espoir.
Thierry Malandain signe ici une chorégraphie parfaitement maîtrisée où la force du groupe se nourrit d’une rythmique sans cesse renouvelée. Du bel ouvrage.