Critique La Maison du loup
mise en scène Tristan Petitgirard
Nouveau texte de Benoit Solès, après le succès de La Machine de Turing, La Maison du loup s’attache à la figure légendaire de Jack London. Au Théâtre du Chêne Noir, les trois interprètes Amaury de Crayencour, Anne Plantey et Benoit Solès entrent sans concession dans un âpre combat. ( Voir l’interview exclusive de Benoit Solès et d’Amaury de Crayencour pour M La Scène )
Provoquer « l’étincelle »
La Maison du loup a bien existé. Jack London et sa femme Charmian firent construire ce vaste manoir, en Californie, dans la Vallée de la lune. Pour l’écrivain américain, au sommet de sa gloire, cet havre de paix est le symbole de sa réussite et l’endroit où, après des années de voyage, il peut enfin poser ses valises.
Benoit Solès imagine, dans ce lieu à l’écart de tout, la rencontre qui aurait pu présider à l’écriture du dernier roman de London, Le Vagabond des étoiles. Le grand aventurier a brûlé la vie par les deux bouts : « J’aime mieux être un météore superbe plutôt qu’une planète endormie. La fonction de l’homme est de vivre, non d’exister. Je ne gâcherai pas mes jours à tenter de prolonger ma vie. Je veux brûler tout mon temps. » Dans la Maison du loup, sa femme Charmian (Anne Plantey), qui l’a toujours suivi, épaulé, se désole. L’écrivain alcoolique, usé, semble en panne d’inspiration. Pour provoquer à nouveau l’étincelle qui engagera la nécessité d’écrire, son épouse invite Ed Morrell (Benoit Solès), un repris de justice qui se bat pour que son ancien co-détenu échappe à la pendaison.
La Force de l’esprit
Cette rencontre entre ces trois personnages, Benoit Solès l’a construite comme un combat. Face à un loup solitaire, Jack London (Amaury de Crayencour), « déjà bien abattu par la vie et l’alcool », se tient un chien enragé, Ed Morrell (Benoit Solès) qui lutte avec l’énergie du désespoir pour arracher la vie de son ami aux griffes du bourreau. Cette confrontation, explique l’auteur de La Maison du loup, est « orchestrée par une louve« , Charmian (Anne Plantey), la femme de London. A la tombée du soir, entre chien et loup, tout va se jouer, sur le perron du ranch, dans un temps volontairement resserré et intense.
Les trois interprètes soutiennent avec force ce combat. La mise en scène de Tristan Petitgirard s’attache, au plus juste, à la direction d’acteurs afin d’exacerber l’absence de compromis. L’accent est mis sur « les luttes de territoires, de pouvoir, de désir » , mais aussi sur l’exaltation du pouvoir de l’imaginaire, grâce aux illustrations de Riff Reb’s et aux vidéos de Mathias Delfau. Récit dans le récit, le monologue d’Ed Morell (incarné puissamment par Benoit Solès), s’en trouve ainsi prolongé visuellement.
L’homme, enfermé pendant des années a subi des tortures, a connu la camisole qui enserre jusqu’à l’étouffement. Mais par la force de l’esprit, le prisonnier raconte être parvenu à s’évader hors de son corps meurtri. « Il n’y a pas de mort absolue. L’esprit est la vie, et l’esprit ne saurait mourir » . C’est à cette élévation que nous invite le roman de London, Le Vagabond des étoiles. Au terme de la lutte, London et Morell, les deux faces d’un même visage, sortiront réunifiées et grandies grâce à l’action de Charmian.
La Maison du loup, après La Machine de Turing est une réussite. A voir, Au Théâtre du Chêne Noir. ♥♥♥♥♡
La Maison du loup
du 7 au 31 juillet – Relâches : 12, 19, 26 juillet
à 14h30
8 Rue Sainte-Catherine, 84000 Avignon
- Auteur : Benoit Solès
- Metteur en scène : Tristan Petitgirard
- Interprète(s) : Benoit Solès, Amaury de Crayencour, Anne Plantey
- Scénographie : Juliette Azzopardi
- Illustrations : Riff Reb’s
- Animation : Mathias Delfau
- Musique : Romain Trouillet
- Costumes : Virginie H
- Lumières : Denis Schlepp
- Assist. m. en sc. : Léa Pheulpin
- Assist. scéno. : J.-B. Thibaud
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