
Boule de neige, destiné aux enfants dès dix ans, interroge la naissance d’une rumeur et la fabrication du vrai. À travers trois points de vue, il expose un monde adulte fébrile face à un fait divers en milieu scolaire, et une jeunesse en quête de sens, traversée par la peur et la violence. Une fable contemporaine, claire et troublante à la fois.
Boule de neige : Anatomie d’un fait divers
La pièce s’ouvre sur une inconnue. Dans un collège, le jour de la rentrée, un acte grave a été commis. On parle d’une élève de sixième blessée. Rien n’est encore clair, mais déjà tout semble vaciller. Dans Boule de neige, Odile Grosset-Grange met en scène le texte de Baptiste Amann, lauréat récemment du Grand prix dramatique, ARTCENA, pour Lieux communs. Dès les premiers instants, le doute, l’évitement, la gêne s’installent. Un climat propice à toutes les spéculations. Dès lors, le public avance à tâtons, à travers ce qui lui est livré, comme les personnages adultes, prisonniers de leurs certitudes.
Trois tableaux déroulent la mécanique du faux et des apparences trompeuses. Les professeurs, d’abord, s’égarent dans le confort de leurs hypothèses. Puis viennent les parents, nerveux, prompts à imaginer le pire. Tous s’enlisent dans un brouillard d’informations fragmentaires. Le réel se dérobe. Une sourde douleur envahit les paroles et contamine parfois les gestes. Enfin, les enfants apporteront une partie des réponses.
Une dramaturgie, volontairement rétroactive, organise donc un semblant de résolution. À chaque retour en arrière, un pan du puzzle s’ajuste. Mais jamais tout à fait. Baptiste Amann scrute l’emballement collectif. Il met en lumière la rumeur qui grossit et déforme, la vérité qui s’effrite dans le bouillonnement des informations non vérifiées. Le spectacle pense à hauteur d’enfant, mais éclaire sans détour les failles des adultes.
Une vérité trop dure à porter
Le dernier acte tranche et saisit le jeune public. Les panneaux mouvants qui constituaient le décor s’effondrent au sol, dans un bruit saisissant. Trois enfants entrent sur le plateau dans la pénombre. Leur parole, simple et heurtée, fissure les récits précédents. La vérité apparaît, dépouillée, mais terrible, dans ce qu’elle cache de vulnérabilité pour ces enfants. La mise en scène d’Odile Grosset-Grange accompagne habilement ce dévoilement.
Dans le noir, éclairés par une lampe qui, elle aussi, n’éclaire qu’une partie de la scène, trois enfants se cherchent et se défient. C’est un mensonge, pour dissimuler une vérité trop dure à porter, qui provoque un drame. On comprend alors comment, en cascades, les faits se sont succédé, entraînant une avalanche de réactions à vif. Créant un chaos qui se nourrit de rumeurs et de fausses vérités. Une boule de neige, qu’on ne peut arrêter, prête à tout écraser.
Les trois comédiens (François Chary, Lucile Dirand, Katell Jan) endossent tous les rôles. Ils changent d’âge, de statut, de posture, laissant parfois poindre des pointes d’humour. Contrepoint nécessaire à la gravité qui se déploie par ailleurs. La création sonore (Vincent Hulot) soutient efficacement la tension. Au centre du spectacle, une question persiste : comment la vérité se construit-elle, notamment à l’aune de l’emballement médiatique ? La pièce n’impose pas de réponse, comme souvent dans l’écriture de Baptiste Amann. Elle ouvre un espace de réflexion, invite à questionner notamment notre posture d’adulte. Et rappelle, surtout, que l’attention aux enfants reste peut-être le meilleur chemin pour déjouer les pièges qui leur sont tendus.
Boule de neige, mis en scène par Odile Grosset-Grange éclaire sans lourdeur les mécanismes du faux. Le spectacle ouvre un espace d’écoute, surtout pour les plus jeunes. Il rappelle que la vérité exige patience, nuance et un regard attentif des adultes sur l’enfant en proie au mal-être et aux souffrances.
Les M de M La Scène : MMMMM
Boule de neige
Distribution
avec
François Chary, Lucile Dirand, Katell Jan
Assistant à la mise en scène
Carles Romero-Vidal
Scénographie
Cerise Guyon
Régie générale de création
Farid Laroussi
Régie générale des productions du TNG
Stephen Vernay
Création lumière et régie générale de tournée,
Erwan Tassel
création son et musique,
Vincent Hulot
Costumes.
Séverine Thiebau



