Critique NOUS REVIVRONS

Mise en scène Nathalie Béasse

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Au Théâtre de la Bastille, Nathalie Béasse présente Nous revivrons d’après L’Homme des bois, une pièce de jeunesse d’Anton Tchekhov. Le texte, qui ne fait que traverser le spectacle, nourrit la déambulation des images.  Voir l’interview vidéo de Nathalie Béasse réalisée par M La Scène.

Nous revivrons

Cette petite lumière

Tchekhov a déjà écrit Ce fou de Platonov  et rencontré le succès avec Ivanov lorsqu’il présente en 1889 à Moscou, L’homme des bois. La pièce est retirée au bout de cinq représentations. Cet échec amène le dramaturge russe à élaguer la forêt des personnages et à resserrer l’intrigue. De ce travail sur la matière, naît, dix ans plus tard, Oncle Vania.

Dans l’esquisse première, dopée par la joie d’écrire de Tchekhov, on retrouve en effet nombre de similitudes. Un vieux professeur acariâtre revient avec sa jeune épouse, Elena, dans la maison de campagne de sa première femme décédée. Sonia, la fille du premier mariage et Elena sont toutes deux amoureuses du même homme, Khrouchtchov, qui s’emploie à sauver la forêt. Il oeuvre, en replantant ce qui a été détruit, non seulement pour préserver la nature mais également l’homme. Au coeur de la nuit noire, alors qu’il est fourbu de fatigue, une « petite lumière » qui brille dans le lointain, le fait avancer. L’amour est la récompense de celui  « qui travaille, qui lutte, qui souffre » .

Cette petite lumière traverse la dernière création de Nathalie Béasse, Nous revivrons. Après le confinement et une « période de mesures d’enfermement » , la metteure en scène indique que, pour elle, il « était important de parler de cela, de « revivre » . Le texte, ainsi, ne fait que nourrir une succession d’images irriguées par l’envie d’installer un autre rapport à la scène.

Le corps avant toute chose

Dans Nous revivrons, le corps est au coeur du travail de Nathalie Béasse. Comme il l’était déjà dans Le Bruit des arbres qui tombent, ou Ceux qui vont contre le vent, présenté au Festival d’Avignon en 2021. Un corps fragile, vulnérable mais endurant qui entre en résonance avec des éléments tangibles. L’eau, la terre, le vent, le plastique lourd ou léger, impriment de leurs marques le plateau. 

Les trois jeunes acteurs, Mehmet Bozkurt, Soriba Dabo, Julie Grelet, issus de la formation 1er Acte, initiée par le Théâtre National de Strasbourg composent avec ces éléments. Ils chutent lentement au sol, cherchant à inscrire leurs visages dans un plastique qui vole sous le souffle des ventilateurs. S’affrontent en se lançant des seaux de terre. Rampent avant d’être absorbés par une lourde bâche verte. Courent, luttant contre des obstacles invisibles. Prononcent une réplique, au rythme d’une planche qu’ils scient. Parfois, les mots sortent quand la tête se hisse hors du seau d’eau dans laquelle elle s’était plongée.

Au son d’un coeur qui bat, ensemble, sur la toile qui se déploie en fond de scène, ils s’activent à peindre une fresque. Le vert clair, le vert sapin, le marron, le bleu azur, se chevauchent pour créer une carte des forêts. Les trois jeunes comédiens ne déméritent pas. Julie Grelet convainc particulièrement. Son naturel et son aisance sur le plateau soutiennent le texte de Tchekhov.


Nous revivrons, la dernière création de Nathalie Béasse souligne, jusqu’à  l’image finale, la formidable opportunité de pouvoir renaitre de ses cendres. Une dernière réplique de L’Homme des bois est dite : « Tant pis si les forêts brûlent, j’en planterai d’autres » , tandis qu’un chant slave s’élève. Est-il russe ou ukrainien ? On se plaît à espérer qu’il soit universel et fraternel.

Les LM de M La Scène : LMMMMM


NOUS REVIVRONS

Théâtre de la Bastille

06 > 31 MARS

Spectacle inspiré de L’Homme des bois d’Anton Tchekhov

Mise en scène Nathalie Béasse

Assistant Clément Goupille

Avec la complicité de Sabrina Delarue Étienne Fague

Avec Mehmet Bozkurt, Soriba Dabo, Julie Grelet

Le texte L’Homme des bois est publié aux éditions Actes sud dans une traduction d’André Markowicz et Françoise Morvan, paru en juin 2009


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