Mille et une danses chorégraphie Thomas Lebrun
Au Théâtre de Chaillot, le chorégraphe Thomas Lebrun présente sa nouvelle création « Mille et une danses (pour 2021) » . Un hymne intense à l’absolue nécessité de danser et de projeter, dans l’espace, les échos vibrants du corps en mouvement.
Le corps et ses échos vibrants
2020 fut l’année de la pandémie. L’année où le corps fut, plus que jamais, claquemuré, entravé, bâillonné. Les théâtres, studios et écoles de danse fermées interdisaient toute répétition et tout spectacle.
Lorsque Thomas Lebrun, le directeur du Centre chorégraphique national de Tours, élabore cette année-là, son projet Mille et une danses (pour 2021), il s’agit pour lui de fêter les vingt ans de sa compagnie. Il l’envisage comme « une épopée dansée et émotionnelle. Un marathon des sensations, des façons et des réceptions. Une ode à la diversité et à la mixité, chorégraphiques et humaines. » La pandémie n’a pas brisé cet élan. Elle l’a renforcé. La création devient le lieu où, l’absolue nécessité de danser s’expose. Le lieu où, dans l’espace, sont projetés les échos des corps en mouvement et, où sont réactivés les liens qui unissent les danseurs et leurs mémoires sensorielles. Celles notamment du travail effectué auprès des différents chorégraphes qui ont traversé leur chemin d’artistes.
Géraldine Amstrong, Dominique Bagouet, Andy de Groat, Catherine Diverrès, Odile Duboc, Isadora Duncan, Bernard Glandier, Christian Glick, Daniel Larrieu, Ohad Naharin, Vaslav Nijinski, Marie-Claude Pietragalla, Wilfrid Piollet, Jacques Sausin, Man Sérotte, Hervé Robbe, Kayoko Takasawa, Eduardo Torroja et Mitsuyo Uesugi ont nourri le vécu des interprètes. Sur scène, ces mille et une danses se partagent et s’enrichissent au sein d’un collectif débordant d’énergie.
Une chorégraphie au cordeau
Aucun décor pour cette pièce qui met en exergue le mouvement et son inscription dans l’espace. Le plateau est nu, coulisses et cintres apparents. A cour et à jardin, on devine des chaises où les danseurs attendent parfois pour intervenir. Seules les lumières (Françoise Michel) redessinent parfois les lignes de la boite noire. Couloirs francs, carrés lumineux soulignent les ruptures et tranchent sur les halos qui nimbent le reste. Exception à la règle, pour le solo de Thomas Lebrun, sur le mur du fond, sont projetés quatre faisceaux de couleurs qui rappellent celles du drapeau LGBT.
Le spectacle commence par une femme seule. Vêtue d’une robe blanche échancrée, elle se tient face public. Sa silhouette émaciée rappelle celle de Pina Bausch. Dans le silence, ses bras décharnés s’élèvent et se meuvent. Bientôt, sur la musique, l’ensemble des interprètes entre. En fond de scène, ils forment un ligne. La suite donne lieu à un moment captivant. Disséminés dans l’espace, les danseurs interprètent des « solos » par groupe. Sur les accents, l’énergie se jette de l’un à l’autre comme une passation électrique. La vitesse et le dynamisme priment comme s’il y avait urgence à communiquer cette transmission du vécu.
On peut regretter quelques facilités, notamment dans certains intermèdes théâtraux ( comme celui de l’intrusion de la femme « lambda » qui revient bouger en avant-scène ). Mais, de l’ensemble se dégage une formidable énergie. Pour reprendre les mots de Carolyn Carlson : « The Body is here ! » , pleinement, dans l’instant du geste, et de l’intention.
Thomas Lebrun propose une chorégraphie au cordeau. Le plaisir des interprètes à porter ces « mille et une danses » se propage jusqu’à nous. Le dernier morceau sur la musique de Roberto De Simone – Secondo Coro Delle Lavandaie est un moment de pur bonheur. ♥♥♥♥♡
Mille et une danses (pour 2021)
CONCEPTION ET CHORÉGRAPHIE Thomas Lebrun
LUMIÈRE Françoise Michel
SON Maxime Fabre
COSTUMES Kite Vollard, Jeanne Guellaff
RÉGIE GÉNÉRALE Xavier Carré
MONTAGE SON Yohann Têté
EXTRAITS MUSICAUX Alphaville, Laurie Anderson, Ludwig van Beethoven, Pierre Chériza, Noël Coward, Roberto De Simone,Claude Debussy, The Doors, Maxime Fabre, Bernard Herrmann, Dean Martin,W.A. Mozart, Nutolina, Elvis Presley, Henry Purcell, Sergeï Rachmaninov
TEXTES Carolyn Carlson, Kenji Miyazawa
AVEC Antoine Arbeit, Maxime Aubert, Julie Bougard, Caroline Boussard, Raphaël Cottin, Gladys Demba, Anne-Emmanuelle Deroo, Arthur Gautier, Akiko Kajihara, Thomas Lebrun, Cécile Loyer, José Meireles, Léa Scher, Véronique Teindas, Yohann Têté
ET 5 invité.es ( 5 personnes du territoire de la représentation : danseurs ou chorégraphes, danseurs amateurs ou amateurs de danse, personnel du théâtre accueillant.)
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