Critique VIVE

mise en scène Clément Carabédian & Joséphine Chaffin

412
Vive Clément Carabédian Joséphine Chaffin
© Vive

VIVE, mise en scène par Joséphine Chaffin et Clément Carabédian, aborde avec efficacité les violences sexuelles sur mineurs à travers la mise en accusation d’un père, chef étoilé dans la gastronomie, par sa fille. La scène, transformée en tribunal, devient le lieu où la jeune femme se libère de l’emprise qui la maintenait prisonnière.

Vive est la brûlure

L’avocat d’Anaïs égrène les chiffres terrifiants. 81% des agressions se produisent avant l’âge de 18 ans, 94% sont commises par des proches, 96% des agresseurs étant des hommes. VIVE, de Joséphine Chaffin et Clément Carabédian, explore cette problématique en profondeur. La pièce met en scène la dialectique entre parole et silence.

Anaïs Lacascade est une jeune cheffe issue d’une famille de la gastronomie étoilée. Douée, dès l’enfance, elle observe avec attention ses aînés dans la cuisine. L’enfant met toute son énergie à obtenir la fierté de son père. A l’école, elle se prend de passion pour Les Fables de La Fontaine. Sur un petit cahier orange, elle les recopie avec soin. Mais, lorsqu’elle se présente face à son géniteur, heureuse de son 9/10 en récitation, celui-ci la frappe. Il faut viser le 10, l’excellence.

Dès lors, la prédation du père se nourrit d’humiliations, de violences et de basses flatteries, pour assouvir sa déviance. L’emprise est totale, annihilant, toute velléité de parole chez la petite victime de sept ans. D’autant que les proches entretiennent de facto ce silence. Chez les Lacascade, on traite ça en famille. C’est à dire, en ne disant rien. Une brûlure, dans une cuisine, ce n’est pas grand chose.

Les mots qui libèrent

Joséphine Chaffin et Clément Carabédian ont opté pour un dispositif scénique quadrilatéral qui inclut le public dans l’arène judiciaire. Certains spectateurs sur scène deviennent ainsi, aux côtés des quatre comédiens, très convaincants (Clément Carabédian , Estelle Clément-Bealem, Hermine Dos Santos, Patrick Palmero), les proches témoins de ce qui s’expose. Le plateau, qui s’apparente à une cour de justice, se transforme au gré des scènes ou des changements de costumes, en une salle de restaurant, une cuisine, une chambre d’enfant.

Le présent se nourrit de flashbacks où la violence et la perversité du père éclatent. Clément Carabédian qui interprète à la fois l’avocat très engagé et le père incestueux retient véritablement l’attention, comme la jeune Hermine Dos Santos, au jeu subtil. C’est au sein du tribunal, qu’Anaïs trouve le courage de dénoncer l’inceste commis par son père. Par la justice, la parole entendue, le théâtre, la jeune femme renoue enfin avec la vive enfant qu’elle était. L’agneau échappe enfin à l’emprise mortifère du loup.

Vive, mise en scène par Joséphine Chaffin et Clément Carabédian, incite à reconnaître et à échapper aux dynamiques de prédation et célèbre ainsi le pouvoir libérateur des mots. A voir au Théâtre du Train bleu.

Les LM de M La Scène : LMMMMM


VIVE

Théâtre du TRain bleu

jusqu’au 21 juillet , jours impairs
13h20
Metteur·se en scène : Clément Carabédian, Joséphine Chaffin
Comédien·ne : Clément Carabédian , Estelle Clément-Bealem, Hermine Dos Santos, Patrick Palmero
Auteur·rice : Joséphine Chaffin
Créateur·rice lumière : Mathilde Domarle
Assistant·e de mise en scène : Bastien Guiraudou
Musique live : Théo Rodriguez-Noury
Administrateur·rice de production : Aurore Santoni
Costumier·ière : Agathe Trotignon
Chorégraphe : Nina Vallon
Régie lumière : Nicolas Zajkowski

Cie Superlune 


Intéressé.e.s par une autre critique récente de M La Scène ? Celle-ci pourrait vous intéresser : Critique Une pièce sous influence mise en scène Sophie Lebrun et Martin Legros

laissez un commentaire

Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur notre site. Si vous continuez à utiliser ce dernier, nous considérerons que vous acceptez l'utilisation des cookies. Accepter En savoir plus