
The Aborrrtion Ship embarque le spectateur dans un tumulte fiévreux et totalement maîtrisé. Une odyssée où la défense du droit à l’avortement devient ligne de proue. Sous la direction précise de Mathilde Wind, le spectacle entraîne le public au cœur d’un combat aussi intime que politique. Seule en scène, Juliette Fribourg insuffle au plateau une vigueur réjouissante. Urgence, vitalité et profonde humanité sont au rendez-vous.
The Aborrrtion Ship : Sur le pont de la liberté
Solo de guitare électrique. Lumière ouatée quand le spectateur entre. Passés ces premiers instants, The Aborrrtion Ship se lance, avec une énergie réjouissante, à l’assaut de vagues tumultueuses. Sous la direction millimétrée de Mathilde Wind, le quatrième mur s’abat avec la netteté d’un geste chirurgical. Le public devient, le temps d’une journée fictive, un étudiant en master chargé de filmer le quotidien d’une gynécologue dans un hôpital.
Incarné par Juliette Fribourg, seule en scène, le personnage, entraîne, à cent à l’heure, le public dans une épopée haletante et profondément humaine. Visites de services, consultations, bloc opératoire, respirations furtives sur le toit de l’hôpital, aparté intime, le rythme imprime une urgence. Juliette Fribourg donne à son personnage une vitalité joyeuse et fiévreuse. Guitare au poing, sourire aux lèvres, la comédienne imprime un jeu fait de distance ironique et de fulgurances colériques. Sa parole, mue par la rapidité, avance par à coups et refuse toute posture didactique.
La scénographie brouille habilement les frontières. Une table sur roulette qui avance, quatre scotchs blancs posés au sol par l’interprète, un projecteur sur un mur, suffisent à créer les lieux traversés. L’univers sonore et scénique évoque parfois celui d’un navire au calme ou dans la tempête. Écho discret au bateau de Women on Waves. Dans cette oscillation entre réalisme et abstraction, la parole de la praticienne avance avec dynamisme, humour et précision. Elle rappelle que la défense du droit à l’avortement s’exprime autant dans les mots que dans la pratique quotidienne. Que rien n’est jamais acquis. Et qu’il convient d’être toujours sur le pont. Arc-bouté.e.s à la barre qui conduit à la liberté.
Et celui de la vigilance
Il est rare qu’un spectacle convoque ses propres légendes. Et qu’elles répondent présentes dans la salle. Au Théâtre de la Reine Blanche, ce soir-là, la fondatrice de Women on Waves, Rebecca Gomperts, figure majeure de la lutte mondiale pour l’accès à l’avortement, assiste à The Aborrrtion Ship. En 2020, Rebecca Gomperts était classée parmi les 100 personnalités les plus influentes par le Times. Depuis le recul du droit à l’IVG aux États-Unis, son association Aid Access a ainsi accompagné 45 000 femmes dans un avortement médicamenteux à domicile.

The Aborrrtion ship repose sur une filiation revendiquée. Ses trois « rrr » en témoignent. L’écho d’un grognement de colère. Roulement sonore d’une volonté en marche. Du MLAC aux Riot Grrrls, de Gisèle Halimi à Rebecca Gomperts, la gynécologue incarnée par Juliette Fribourg s’inscrit dans une lignée de combattantes. Celle de femmes qui n’attendirent jamais la permission pour agir. La présence exceptionnelle de Rebeccca Gompters dans la salle donne alors une résonance particulière au spectacle. Le texte semble ainsi dialoguer directement avec celle qui en incarne l’une des sources majeures.

C’est finalement cette alliance entre ancrage documentaire et énergie rock qui confère au spectacle son caractère irrésistible. Juliette Fribourg insuffle au personnage une vigueur combative. Cigarette en main, casque de moto posé au sol, café serré pour tenir, elle incarne une femme qui affronte l’épuisement sans jamais céder sur ses convictions. L’adresse directe, frontale, construit un rapport de connivence certaine avec le public. Lorsque retentit la question brûlante : « Si demain l’IVG devenait illégale en France, en pratiqueriez-vous malgré tout ? » . Celle-ci résonne réellement comme un appel à la vigilance.
The Aborrrtion Ship est une traversée militante, énergique et lumineuse. Un geste de transmission qui, ce soir-là, avait l’élégance de s’adresser en présence de l’une de ses sources les plus inspirantes.
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THE ABORRRTION SHIP
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Critique Trancher, mise en scène Sophie Engel & Héléna Sadowy